PPCR : le faux-ami du pouvoir d’achat des fonctionnaires

Certains fonctionnaires viennent de percevoir des rappels de salaires sur l’année 2016 en cours. Certains de ces rappels sont présentés comme la conséquence de la mise en œuvre du PPCR (Protocole d’accord sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations). Or sa contestation par trois syndicats, dont FO, n’en est pas moins justifiée. Décryptage.

Imposé par le gouvernement aux fonctionnaires le 30 septembre 2015 le protocole d’accord sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) comporte en réalité les conséquences préjudiciables y compris sur les rémunérations notamment.

Rejeté en 2015 par trois syndicats dont FO, le texte qui n’avait pas recueilli une approbation syndicale majoritaire ainsi que le visait le gouvernement entre progressivement en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

Décidé l’an dernier sur fond de gel du point d’indice (base de calcul des traitements dans la fonction publique) et d’une perte de pouvoir d’achat évaluée à 8% depuis 2010, le PPCR se fait fort d’améliorer le déroulement des carrières et la progression des rémunérations des fonctionnaires. Sur le long terme, rien n’est moins sûr.

Parmi ses mesures, le protocole prévoit une rénovation des grilles indiciaires mais elle étalée jusqu’en 2020 et assortie d’un allongement des durées de carrières. Il prévoit aussi l’intégration d’une part des primes dans le traitement/salaire.

Aberrations

Les fonctionnaires FO, qui avaient contesté cet allongement des durées de carrières, notent aussi que « l’intégration des primes dans le traitement est insignifiante et de fait très insuffisante ».

En résumé « la réforme PPCR ne coûtera quasiment rien car les agents autofinancent les nouvelles grilles par des carrières plus longues, un avancement ralenti et des promotions limitées ».

Les faits donnent raison à FO.

Ainsi avec l’entrée en vigueur du PPCR, certains agents, reclassés en catégorie B (intermédiaire) via une fusion des grades, découvrent que l’évolution de leur rémunération indiciaire (le traitement de base) est moins favorable que s’ils étaient restés en catégorie C (la plus basse).

Conséquence, ces agents perdraient autour de cinquante euros sur leur pension.
Alertée cet été par des élus et des organisations syndicales, dont FO, la ministre de la Fonction publique, Mme Annick Girardin, promet « d’examiner la difficulté soulevée » d’ici la fin de l’année.

Un cadre contraignant

Particulièrement actif sur ce dossier, le syndicat national FO des personnels techniques et paramédicaux (SNPTP-FO) du secteur de la Défense pointe du doigt les « incohérences qui ne font que commencer » et rappelle que « la répercussion défavorable du PPCR ne sera pas visible sur 2016 mais à partir de 2017 et jusqu’à 2020 ».

Du fait du vaste champ d’action du PPCR, les points « non bénéfiques » aux agents seront nombreux s’inquiète encore le SNPTP-FO. Le syndicat cite notamment l’aggravation de la diminution des possibilités de promotions (le taux de promus/promouvables) aux grades supérieurs ou encore la difficulté prochaine de négocier une revalorisation du point d’indice sachant que la négociation et son calendrier seront cadrés par le PPCR.

Or rappellent les fonctionnaires FO, après six années de gel, la décision unilatérale du gouvernement de revaloriser les salaires des fonctionnaires à hauteur de 0.6% en juillet dernier puis de 0.6% en février 2017 est « loin de rattraper la perte de pouvoir d’achat ».

Toutefois, au plan des rémunérations, les effets nuls ou négatifs du PPCR ne s’arrêtent pas là.

Les agents de catégorie B, dont une partie des primes a déjà été transformée en 2016 en quelques points d’indice (le décret du 11 mai dernier prévoit de telles transformations pour les catégories A, B et C d’ici 2018), verront cette revalorisation minime mangée par une hausse de 0.28% des cotisations de retraite.

Ce transfert vers le régime indiciaire « n’est pas une augmentation nette du traitement de base » rappelle FO Finances. « Cette transformation s’opère sur un montant total annuel brut plafonné qui rend ridicule le prétendu bénéfice pour la retraite » indiquent de leur côté les personnels administratifs FO de la Justice.

Dangereux transfert des primes

Parallèlement, ce transfert des primes vers le traitement pourrait avoir une conséquence quelque peu perverse sur l’évolution du pouvoir d’achat.

Ainsi, l’ensemble des fonctionnaires craint que l’application du PPCR n’entraine la fin de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), indemnité créée en 2008, prolongée cette année (décret du 27 juin 2016) et censée permettre le maintien du pouvoir d’achat face à l’inflation.

Le calcul de la GIPA qui s’effectue sur une période de quatre années permet de comparer le taux d’inflation à l’évolution du traitement brut de l’agent.

Si cette évolution est inférieure à l’inflation, un montant indemnitaire brut équivalent à la perte de pouvoir d’achat est versé à l’agent. La période actuellement examinée va du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2015.

Tous les agents peuvent bénéficier de la GIPA. « Il arrive même que des agents de catégorie A, par absence de promotion, en bénéficient » indiquent les fonctionnaires FO du secteur Travail, Emploi et formation professionnelle (TEFP-FO).

Entre 2010 et 2016, le recours à la GIPA était d’autant plus important que les salaires des fonctionnaires étaient bloqués.

La fin de la GIPA ?

Or s’inquiète le syndicat TEFP-FO, la transformation prévue par le PPCR d’une part des primes en points d’indice va faire augmenter le traitement indiciaire, et cela sans augmentation réelle de salaire hormis la hausse de 0.6% en juillet.

D’ici 2020 les fonctionnaires de catégorie C pourront recevoir jusqu’à 16 points d’indice supplémentaires par transformation d’une partie de leurs primes. Les agents de catégorie B et A jusqu’à 29 points.

Alors que l’inflation est évaluée à 3.08% sur les quatre dernières années, ce dispositif va impacter l’obtention de la GIPA, calculée sur le salaire indiciaire. « Fort est à parier que les agents ne seront plus éligibles à la GIPA » s’inquiète le syndicat FO qui demande dans son secteur que ce problème soit étudié au prochain comité technique ministériel.