OBLIGATION VACCINALE POUR LES PERSONNELS DES CRÈCHES : L’IMBROGLIO !

Depuis début septembre, plusieurs administrations centrales estiment que les personnels des crèches ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale. Ce n’est, apparemment, pas l’avis de la justice administrative. 

Depuis que la loi du 5 août 2021 sur le pass sanitaire et l’obligation vaccinale a été publiée, la question se posait : les personnels des crèches – professionnels de santé ou non – sont-ils soumis à cette obligation ? Non, ont répondu la Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dès le 1er septembre. Si, a rétorqué, hier, le tribunal administratif de Pontoise. Le point pour essayer de comprendre.

La position des administrations centrales

Le 1er septembre dernier, la DGCL mettait à jour sa « foire aux questions »  (FAQ) du 11 août sur le chapitre « quels sont les agents territoriaux concernés par l’obligation de vaccination ? ». Y était ajoutée cette phrase : « Les professionnels de crèche, d’établissements ou de services de soutien à la parentalité ou d’établissements et services de protection de l’enfance ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale. »  La DGCL, en cela, s’appuyait sur une instruction de la DGCS, à laquelle elle renvoie dans sa FAQ. Cette instruction, page 16, est tout aussi claire : « En revanche, ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale les professionnels de crèche, d’établissements ou de services de soutien à la parentalité ou d’établissements et services de protection de l’enfance. »

Cette information importante a été relayée – à la demande de la DGCL elle-même – par l’AMF et les autres structures concernées.

Contestation

Déjà, à ce moment, un certain nombre de juristes ont contesté cette interprétation au regard de la loi du 5 août, notamment parce que la loi impose l’obligation vaccinale à tous les professionnels de santé et que dans les crèches travaillent, à tout le moins, des auxiliaires de puériculture, qui sont des personnels de santé. Par ailleurs, plusieurs textes officiels évoquent le cas des personnels travaillant « aux côtés »  des professionnels de santé, pour leur imposer également l’obligation vaccinale, ce qui pouvait conduire à comprendre que tous les personnels travaillant, dans les structures de la petite enfance, « aux côtés »  des auxiliaires de puériculture, étaient concernés.

C’est apparemment ce qu’a estimé aussi la commune de Nanterre (Hauts-de-Seine), qui a décidé, fin août, d’imposer la vaccination obligatoire à tous les agents territoriaux affectés dans les établissements de la petite enfance de la commune. Le syndicat CFDT a porté l’affaire devant le tribunal administratif, pour demander la suspension de cette décision et « le libre accès des agents territoriaux aux établissements de la petite enfance », en évoquant, notamment, les documents diffusés par la DGCL et la DGCS.

Contre toute attente, le juge des référés, dans une décision rendue le 17 septembre, a donné raison au maire et tort au syndicat.

La décision du tribunal

Le tribunal a estimé en effet que la loi du 5 août recense « les professionnels de santé soumis à l’obligation vaccinale en raison de leur seule appartenance à une profession de santé reconnue par la 4e partie du Code de la santé publique, indépendamment du lieu où ils exercent leur activité professionnelle ». Il est « constant », rappelle le juge, que cette partie du Code de la santé publique mentionne, parmi les professions de santé, « les médecins, infirmiers, (…) auxiliaires de puériculture, qui sont des professions susceptibles d’exercer en crèche quel que soit le statut de l’établissement ou du service. »  Autrement dit, même si les crèches ne sont pas des lieux « dédiés à titre principal à des activités de soin », comme le défend la CFDT à l’appui de son argumentation, rien dans la loi du 5 août « ne conditionne l’obligation vaccinale au fait que les professionnels de santé (…) doivent effectivement exercer leur activité dans un lieu ou un service principalement dédié aux activités de soin ».

La décision de la commune de Nanterre n’a donc, aux yeux du juge, rien d’illégal, ce qui signifie que ce tribunal considère que l’obligation vaccinale doit s’appliquer dans les crèches.

Quant à la question des prises de position de la DGCL et de la DGCS, le juge des référés ne les prend aucunement en considération. En des termes choisis, le juge explique que ce n’est pas parce que les administrations centrales ont fait une erreur d’interprétation que cela change le contenu de la loi votée par le Parlement : « Les prises de position de ces administrations ne sauraient (…) avoir pour objet ou pour effet de restreindre la liste des personnes assujetties à l’obligation vaccinale définie par le législateur. »

Reste à savoir maintenant si l’affaire en restera là – ce qui voudrait dire que désormais, la jurisprudence impose l’obligation vaccinale dans les crèches. Ou si l’affaire sera portée devant le Conseil d’État. Pour l’instant, la DGCL n’a pas modifié la FAQ du 1er septembre, toujours disponible sur son site.

Si cette décision devait faire jurisprudence, cela mettrait les structures dans une situation très problématiques, comme le soulignait déjà l’AMF en juillet dernier, alors que l’on ne savait pas encore quel serait le sort réservé aux crèches. Dans un courrier co-signé avec plusieurs fédérations de professionnels de la petite enfance, y compris les acteurs du service privé non lucratif, l’AMF demandait instamment que le gouvernement n’applique pas strictement l’obligation vaccinale au sein des établissements d’accueil du jeune enfant : le secteur étant « en très grave pénurie de main-d’œuvre », les signataires craignaient, en cas d’application de l’obligation vaccinale, de se trouver « contraints de refuser d’accueillir des enfants par manque de personnel ».

Accéder à la décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

22 septembre 2021
Par Franck Lemarc
pour maire-info.com