LE POINT D’INDICE DE LA FONCTION PUBLIQUE RESTERA GELÉ

La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, à l’issue de la réunion du 9 décembre.

 

Le gouvernement Castex douche à nouveau les espoirs des représentants du personnel de la fonction publique. Alors que tous les syndicats réclamaient une revalorisation générale des salaires, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, vient d’annoncer que le point d’indice servant de base au calcul de ceux-ci resterait gelé. Ce point, pour rappel, est gelé depuis 2018, après deux hausses successives sous François Hollande (+ 0,6 % en juillet 2016 et + 0,6% en janvier 2017).

“Ce n’est pas avec une simple hausse du point d’indice, une solution de facilité utilisée par tant de gouvernements pour ne pas augmenter franchement les salaires, que l’on peut vraiment résoudre et résorber les inégalités de notre fonction publique”, a ainsi souligné la ministre, jeudi 9 décembre, à l’issue d’un point d’étape avec les syndicats et les employeurs sur la mise en œuvre des mesures salariales pour 2022, annoncées en juillet dernier. Un rendez-vous raté, selon les syndicats. Trois d’entre eux – la CGT, la FSU et Solidaires – ont d’ailleurs claqué la porte de cette réunion [lire encadré]. 

Nouvelle hausse de l’indice minimum de traitement

“Toutes les conditions ne semblent pas aujourd’hui réunies pour une réévaluation immédiate du point d’indice”, a ajouté Amélie de Montchalin. Deux facteurs ont été avancés pour expliquer ce non-dégel. Premièrement, l’incertitude de la situation économique et le “consensus actuel des économistes”, qui “penche plutôt dans le sens d’une normalisation de l’évolution des prix”. En second lieu, le fait qu’une hausse du point d’indice “appelle nécessairement une consultation préalable de l’ensemble des employeurs publics, en particulier des collectivités”. “A fortiori à quelques mois d’échéances électorales importantes”, a précisé la ministre.

Amélie de Montchalin a donc surtout profité de cette réunion pour faire, encore une fois, la promotion des mesures salariales “ciblées” décidées par l’exécutif depuis le début du quinquennat et en particulier de celles annoncées en juillet dernier en faveur des plus bas salaires de la fonction publique. La ministre a par ailleurs confirmé la “clause de revoyure” annoncée il y a quelques semaines, dans le contexte actuel de hausse de l’inflation “consécutive au redémarrage de l’économie” et de “flambée” des prix de l’énergie.

Outre le versement prévu de l’“indemnité inflation” de 100 euros en début d’année pour les agents gagnant moins de 2 000 euros, l’indice minimum de traitement des agents publics va être de nouveau revalorisé pour tenir compte de la nouvelle hausse à venir du Smic (le 1er janvier prochain) et pour qu’aucun agent public ne soit payé en dessous du SMIC. Ce qui, par voie de conséquence, va entraîner un tassement salarial entre les grilles des agents de catégories B et C, le haut de la grille des C se rapprochant du bas de la grille des B. Cet indice minimum de traitement, pour rappel, avait déjà été revalorisé en octobre dernier, pour tenir compte là aussi d’une revalorisation du Smic.

Négociation salariale en 2022 ?

Ces mesures sur les bas salaires et la question du point d’indice “n’épuisent pas d’autres demandes légitimes”, a poursuivi Amélie de Montchalin. “C’est l’ensemble du système de rémunération et de carrière de la fonction publique qui doit être repensé pour préserver son attractivité, a-t-elle ajouté. Le temps n’est plus à des correctifs techniques d’un système à bout de souffle.” L’occasion donc pour la ministre de remettre en avant la Conférence sur les perspectives salariales lancée en juillet et qui doit aboutir, d’ici février prochain, à un “diagnostic des fragilités du système” et “formuler des propositions ambitieuses d’évolution”. 

À l’issue de cette conférence, la ministre souhaite que soit engagée, en 2022, une “négociation” sur les rémunérations et les carrières. Et ce, a-t-elle expliqué, dans “l’objectif de donner à chacun des perspectives réelles d’augmentation salariale, quelle que soit sa position dans la grille, de préserver l’attractivité et de réduire les inégalités entre les métiers pour mieux reconnaître les niveaux de qualification, et enfin d’assurer une situation équitable pour le calcul de la retraite”. 

Mais encore faut-il, d’une part, que cette négociation soit réellement engagée – la ministre renvoyant ce chantier à la prochaine majorité, issue des élections du printemps 2022 – et d’autre part, que les syndicats s’y engagent. Rien de simple, même si tous les représentants du personnel souhaitent une telle négociation, sachant qu’après Force Ouvrière, la CGT, FSU et Solidaires ont décidé de quitter la Conférence sur les perspectives salariales. “Cette conférence est indispensable et en rien caduque, des volontaires souhaitent faire des propositions, a répondu Amélie de Montchalin. Je prends acte du départ de certaines organisations syndicales mais je regrette profondément que certains choisissent de ne pas participer à des débats sur le futur de notre fonction publique, sur son attractivité et sur la valorisation des différents métiers.”

“Rendez-vous raté”

Le bras de fer est donc amené à se poursuivre, comme le laissent présager les réactions des syndicats ce jeudi. “Quel mépris envers les 5 millions d’agents publics, pour lesquels aucune reconnaissance globale n’aura lieu pendant ces 5 longues années marquées pourtant par leur engagement sans faille dans des conditions particulièrement difficiles qui perdurent encore”, ont dénoncé la CGT, FSU et Solidaires après avoir quitté la réunion de ce 9 décembre et annoncé donc leur départ de la Conférence sur les perspectives salariales. Ce cycle “n’a de salarial que son titre et sa légitimité se trouve bien compromise par l’absence de participation d’organisations représentant une majorité des personnes”, ont ajouté ces 3 syndicats.

C’est un “rendez-vous salarial raté”, a ajouté Nathalie Makarski, de la CFE-CGC en regrettant la poursuite du gel du point d’indice qui, selon elle, “conduit à une perte conséquente du pouvoir d’achat de tous les agents publics”. “Cela n’a pas de sens de parler de carrière alors que l’on n’arrête pas de compresser les grilles indiciaires et d’annoncer des mesures qui ne concernent que certains”, ajoute Pascal Kessler, de la FA-FP.

L’Unsa s’est elle aussi dite déçue de la réunion. La non-revalorisation du point d’indice est “une faute politique”, selon son secrétaire général, Luc Farré. “Les ministres auront beau jeu de demander au patronat des efforts salariaux”, ajoute-t-il. L’Unsa constate ainsi que “les employeurs publics et le gouvernement en tête sont loin d’être des employeurs exemplaires”. “Ni les niveaux de qualification, ni les amplitudes de carrière ne sont préservés en raison de l’absence de mesures de revalorisation du point d’indice, abonde Mylène Jacquot, de la CFDT. Cela confirme que l’état de dégradation de la grille de rémunération est arrivé à un niveau qui appelle effectivement des travaux d’ampleur.”