LE CONSEIL D’ÉTAT SAISI SUR LES 35 HEURES DANS LES COLLECTIVITÉS
Le tribunal administratif de Melun vient de transmettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par plusieurs maires communistes du Val-de-Marne sur la règle imposant 1 607 heures de travail dans les collectivités territoriales. Encore faut-il que le Palais-Royal décide de la transmettre au Conseil constitutionnel.
La mesure imposant 1 607 heures de travail annuelles au sein des collectivités territoriales est-elle conforme à la Constitution ? Plusieurs maires communistes du Val-de-Marne pensent le contraire et viennent d’obtenir une “première victoire”. Une victoire seulement procédurale, pour le moment, puisque le tribunal administratif de Melun a accepté de transmettre au Conseil d’État les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées par ces élus sur l’application des 35 heures au sein des collectivités.
Comme prévu par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, les collectivités avaient en effet jusqu’au 1er janvier 2022 pour se mettre en conformité avec la règle des 35 heures et, le cas échéant, mettre fin aux régimes dérogatoires à cette durée légale de travail. Une source de nombreux contentieux, y compris, donc, dans le Val-de-Marne.
Une dizaine de maires communistes de ce département ont ainsi été assignés par la préfète du Val-de-Marne, Sophie Thibault, pour ne pas avoir appliqué les dispositions en question de la loi de 2019. La représentante de l’État demandait donc à ces maires, administrant les communes d’Arcueil, de Bonneuil-sur-Marne, de Fontenay-sous-Bois, de Gentilly, d’Ivry-sur-Seine, du Kremlin-Bicêtre, de Thiais, de Villejuif et de Vitry-sur-Seine, de rectifier le tir.
Refus caractérisés
Dans les ordonnances qu’il vient de rendre, le juge des référés du tribunal administratif de Melun n’a pas pour autant totalement donné suite aux demandes de l’État. Il a ainsi rejeté la demande de la préfecture dans 3 de ces affaires (celles concernant Thiais, Gentilly et Arcueil). “En dépit du retard constaté”, le juge a en effet estimé que “le processus d’adaptation était effectivement engagé et qu’il n’y avait en conséquence pas de décision suffisamment caractérisée de refus d’application”. Un processus qui, souligne le tribunal, “suppose une procédure longue en raison de la consultation des personnels, des réorganisations des services et le vote de l’assemblée délibérante”.
Pour les autres villes, en revanche, le juge a relevé de “véritables décisions de refus” de changer les règles relatives au temps de travail au sein de leur collectivité et a enjoint leurs maires à rectifier le tir dans un délai de quatre mois. Et ce sont les maires concernés par cette injonction qui en avaient profité pour soulever une QPC sur les 1 607 heures, QPC que le Conseil d’État va donc examiner.
“Caractère sérieux”
Pour les maires requérants, en effet, cette règle méconnaîtrait le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution. Une QPC “qui n’est pas dépourvue de caractère sérieux”, a jugé le tribunal administratif en décidant de la transmettre au Palais-Royal.
“C’est une première dans l’histoire de nos institutions, dans les batailles juridiques pour la défense des services publics territoriaux et pour la libre administration des communes […]. Nous avons réussi à déplacer sur le terrain politique, un débat que le gouvernement voulait uniquement administratif”, s’est félicité Denis Öztorun, le maire de Bonneuil-sur-Marne et auteur de la QPC aux côtés de ses homologues de Fontenay-sous-Bois, Vitry-sur-Seine et Ivry-sur-Seine.
Reste désormais à savoir si le Conseil d’État décidera lui aussi de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel, sans quoi la conformité à la Constitution de cette règle des 35 heures ne sera tout bonnement pas examinée. Le Palais-Royal dispose de trois mois pour décider s’il transmettra ou non la QPC aux sages de la Rue de Montpensier. Si cette question lui est effectivement transmise, le Conseil constitutionnel disposera alors lui aussi d’un délai de trois mois pour rendre sa décision sur la conformité à la Constitution de la disposition contestée.