LA RÉFORME DES CARRIÈRES ET DES RÉMUNÉRATIONS SUR LAQUELLE PLANCHE L’ADMINISTRATION

Dans le “dossier ministre” qu’elle vient de remettre au nouveau titulaire du portefeuille de la Fonction publique, Stanislas Guerini, la direction générale de l’administration et de la fonction publique détaille les “pistes” et “thèmes” déjà “identifiés à ce stade” s’agissant de la réforme des carrières et rémunérations des agents publics. Un chantier promis par Emmanuel Macron.

Bientôt un bouleversement pour les carrières et les rémunérations dans la fonction publique ? Emmanuel Macron en avait fait la promesse durant la campagne présidentielle en évoquant son intention de “rebattre les cartes” de l’organisation de la rémunération des agents publics avec une “réforme complète des grilles”. Si l’exécutif lance effectivement ce chantier, c’est le nouveau ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, qui devra mener la réforme. Et les pistes d’évolution, dont il dispose sur son bureau, sont déjà nombreuses… Certaines d’entre elles promettent déjà d’attiser l’ire syndicale.

Acteurs publics s’est procuré le “dossier ministre” que la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) vient d’adresser au successeur d’Amélie de Montchalin. L’occasion pour l’administration de revenir sur les chantiers en cours, mais aussi d’avancer les pistes et thèmes déjà “identifiés à ce stade” à propos de cette réforme des carrières et des rémunérations. Des pistes sensibles que Stanislas Guerini aura donc à arbitrer. Avant d’engager la concertation sur cette réforme des carrières et rémunérations (peut-être après les élections professionnelles de décembre prochain), la DGAFP appelle à mettre les autres chantiers en attente. Via un gel des différentes mesures statutaires et indemnitaires, hormis, toutefois, la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

S’appuyant sur le constat d’une “rigidité” du système actuel, constat dressé par les garants de la Conférence sur les perspectives salariales, Jean-Dominique Simonpoli et Paul Peny, la DGAFP appelle le ministre à trancher une “interrogation” notamment. Celle du “maintien d’un cadre commun aux trois fonctions publiques et des marges de manœuvre laissées aux employeurs au regard de leurs point de convergence (filière administrative et technique par exemple) mais aussi de divergence (spécificités des métiers du soin et de leur adhérence avec le secteur privé, revendication des employeurs territoriaux à être plus associés aux choix et à disposer de plus d’autonomie)”. Passage en revue des pistes d’évolution avancées par la DGAFP.

Les corps et cadres d’emploi. Pour simplifier leur organisation et favoriser la mobilité, la DGAFP évoque l’hypothèse de “fusionner les corps ou cadres d’emploi statutaires selon des critères communs (logique métiers/filières, employeurs…)”. Et ce “lorsque cela est utile et nécessaire”. La direction évoque aussi une amélioration de la gouvernance par une “meilleure association des employeurs territoriaux et hospitaliers aux décisions salariales”. Pour assurerdes perspectives de carrière, elle appelle notamment à s’inspirer des principes retenus pour les rémunérations des membres du nouveau corps interministériel des administrateurs de l’État suite à la mise en extinction des grands corps de l’État. À ce propos, l’exercice d’emplois fonctionnels devrait notamment donner “lieu à accélération de la carrière” puisque “la carrière dans le corps [des administrateurs de l’État, ndlr] suivra une grille concave, démarrant au niveau de la grille actuelle, mais avec une progression plus rapide sur les premières années, puis un ralentissement ensuite, les valorisations intervenant alors du fait de l’occupation d’emplois fonctionnels”. La DGAFP évoque en outre la création d’une “véritable politique salariale” pour les contractuels. Leurs perspectives de carrière et de rémunération sont en effet aujourd’hui limitées. Dans leur rapport de mars dernier, les deux garants de la Conférence sur les perspectives salariales avançaient ainsi des pistes pour rendre “plus dynamique” l’évolution des rémunérations des agents contractuels. Ils plaidaient notamment pour la mise en place de garanties minimales d’évolution de la rémunération pour les contractuels situés “en bas de grille”.

Les catégories hiérarchiques. L’architecture et la structuration actuelle des rémunérations des agents publics est, on le sait, dans le viseur du Président Emmanuel Macron. “Le système de catégories C, B et A a beaucoup de rigidités, il est un peu à bout de souffle, soulignait-il ainsi durant la campagne. La catégorisation C, B et A, la manière dont on a cloisonné les choses, n’est plus adaptée à la réalité, ce qui fait que l’on a complétement écrasé la courbe des rémunérations entre les catégories.” À ce propos, la DGAFP avance 2 pistes d’évolution : y “substituer une approche par familles de métiers au sein desquelles des niveaux pourraient être définis” et “mieux valoriser la réalité des niveaux de recrutement actuels et les expériences antérieures”. 

Les échelons

La DGAFP évoque l’idée de “redonner des perspectives de progression sur les grilles” avec des possibilités “d’accélération”. La dynamisation des carrières, quant à elle, pourrait passer par l’introduction de “cadencements différenciés en fonction de l’expérience, de la mobilité…” Une piste qui n’est pas sans rappeler les débats du début du premier quinquennat Macron sur l’hypothèse d’une décorrélation entre les versants de la gestion du point d’indice. Une idée finalement abandonnée par l’exécutif. Autres pistes évoquées par la DGAFP : “permettre une gestion de la carrière plus personnalisée et moins automatique” ou ”recréer des leviers managériaux” en prenant en compte les résultats professionnels “via des coefficients de progression”. Cette dernière hypothèse fait écho notamment à l’intention de l’équipe Macron de mettre davantage en avant l’intéressement personnel et collectif dans la fonction publique et, ainsi, d’y développer la rémunération au mérite.

Les grades

Dans une logique de simplification, la DGAFP évoque la piste d’une réduction du nombre de grades, comme la “décorrélation du grade et de l’accès à certains postes de responsabilité”. Pour “redonner de la lisibilité” au système ensuite, la direction générale pousse à “faire de la promotion professionnelle un véritable levier managérial”. Ce qui, selon elle, nécessiterait de “repenser le mécanisme de promotion” – le dispositif des ratios promus-promouvables – mais aussi de “réduire le nombre de phases d’accès aux niveaux supérieurs” pour “fluidifier les parcours professionnels”.

La “valorisation des missions et sujétions”

La DGAFP propose 3 pistes dans ce sens : “repenser l’articulation entre statutaire et indemnitaire, en lien le cas échéant avec l’assujettissement aux cotisations retraites” ; “rationaliser les mécanismes hybrides (intégration du complément de traitement indiciaire et de la nouvelle bonification indiciaire dans le traitement ou dans les indemnités)” et enfin, “poursuivre la convergence indemnitaire”. Une convergence qui, selon la direction générale, est “facteur d’équité et de facilitation des mobilités”.

La part variable collective et individuelle

La DGAFP pousse à “reconnaître” la performance individuelle et collective. Ce qui fait écho, toujours, aux travaux de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique. Dans leur rapport, Jean-Dominique Simonpoli et Paul Peny recommandaient précisément de recentrer le régime indemnitaire sur “la seule dimension liée à la performance”. “Une telle évolution conduirait à aller au bout de la logique de transfert « primes-points » en intégrant dans la part indiciaire principale tout ce qui relève de la prise en compte des niveaux de compétence ou de responsabilités ainsi que de la capitalisation de l’expérience”, soulignaient-ils. Concrètement, la proposition des deux garants impliquerait une révision du régime indemnitaire des fonctionnaires tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep). Et ce via le transfert de l’une de ses 2 composantes, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), au sein de la part “principale” de rémunération (la part indiciaire). La seconde part, le complément indemnitaire annuel (CIA), quant à elle, prendrait “une place progressivement accrue pour jouer pleinement son rôle de levier managérial de reconnaissance de la performance”, expliquaient Paul Peny et Jean-Dominique Simonpoli.

Les mécanismes d’attractivité et de familiarisation

Les pistes évoquées à ce propos par la DGAFP sont nombreuses. Parmi elles, la suppression du supplément familial de traitement “au profit de l’action sociale interministérielle”, l’adaptation des mécanismes de compensation de la cherté de la vie (indemnité de résidence, surrémunérations outre-mer) et, enfin, le développement et la rationalisation des outils d’attractivité. Ceux-ci comprennent la prime d’installation, l’indemnité temporaire de mobilité, l’indemnité de changement de résidence, l’indemnité de sujétion géographique…