MANQUE DE PERSONNEL MÉDICO-SOCIAUX : LE GOUVERNEMENT MET EN PLACE UN PLAN D’ACTION ESTIVAL

Les établissements et services médicosociaux (ESMS) souffrent depuis longtemps du manque de personnel. À l’approche des congés d’été, ces tensions risquent de s’accroitre. Une instruction du gouvernement, publiée le 13 juillet, détaille les modalités d’une mobilisation nationale « pour assurer la continuité de service » et ce, « au plus vite », notamment dans les Ehpad.

Face au manque criant de personnel, l’été est un moment particulièrement redouté dans le secteur de la santé qui traverse une crise sans précédent depuis plusieurs années. Fermetures de lits, conditions de travail de plus en plus difficiles, services qui fonctionnent au ralenti : la situation est critique pour les établissements et services médicosociaux (ESMS), notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour personnes âgées et personnes en situation de handicap.

Ainsi, le gouvernement a mis en place, via une circulaire publiée mercredi dernier, « une mobilisation nationale visant à garantir la continuité de service et le bon fonctionnement des établissements et services médicosociaux pendant la période estivale 2022. » Il est indiqué dans la circulaire que des « tensions fortes »  sont à prévoir particulièrement « sur les postes d’aides-soignants et accompagnants éducatifs et sociaux », « les infirmiers diplômés d’État (IDE) et les personnels médicaux (médecins coordonnateurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) » .

Les consignes énoncées dans cette circulaire ne sont pas révolutionnaires puisqu’elles reprennent en grande partie les dispositifs qui sont déployés depuis l’arrivée du covid-19 en France. Ce plan a donc davantage l’allure d’une piqûre de rappel que d’une solution construite sur-mesure.

Des dispositifs de coordination estivale

Les agences régionales de santé (ARS) sont avant tout invitées à « réactiver ou consolider les dispositifs de coordination au niveau territorial, sur le modèle de ceux activés pendant la crise sanitaire et dans la continuité des gouvernances mises en place dans le cadre des campagnes de recrutement d’urgence. » 

Pour renforcer les effectifs des ESMS, ces dispositifs de coordination « nécessiteront une organisation renforcée de l’ensemble des acteurs : secteur de l’aide à domicile, collectivités territoriales, régions et départements, autres services de l’État et fédérations du secteur social et médico-social. » 

Des mesures supplémentaires peuvent être déployées à travers ces dispositifs. Elles peuvent être prises « si nécessaire »  selon le gouvernement, qui ne précise cependant pas à partir de quand ce type de décision peut être prise.

À la recherche de personnel en urgence

Première possibilité : organiser « des « pools »  de remplacement au niveau territorial, notamment en jouant un rôle d’appui aux initiatives des établissements et de leur groupement, et solliciter les différents viviers de professionnels dans une logique de mutualisation (par exemple mobiliser les aides à domicile sur leurs heures creuses dans les EHPAD). »  Si cette solution d’urgence peut être rapidement mise en place, l’épuisement des personnels risque encore de s’aggraver. Le gouvernement rappelle aussi via la circulaire que les étudiants peuvent être mobilisés sur des contrats à durée déterminée (CDD) pour assurer des missions de remplacement correspondant à leurs compétences.

Le gouvernement appelle également, en cas de situation sensible, à « innover dans les partenariats pour attirer de nouveaux viviers. »  L’exemple donné dans la circulaire interpelle. Le gouvernement indique que les ARS pourront s’appuyer « sur les préfets de départements et les collectivités territoriales pour proposer des CDD en cumul d’emploi aux agents territoriaux des cantines scolaires pour les besoins de remplacement estivaux au sein des cuisines des établissements médico-sociaux et plus particulièrement des EHPAD. »  Si le cumul d’emplois des agents territoriaux est autorisé, il faut cependant rappeler que les cantines scolaires font, elles aussi, face à une pénurie de personnel et que les agents des cantines ont, eux aussi, droit à une période de congés et de repos.

La circulaire appelle également à une mobilisation renforcée des filières gériatriques en élargissant leurs « hotlines »  téléphoniques pour les EHPAD. Ces hotlines, mises en place pendant la crise sanitaire permettent notamment de déterminer à quel moment l’hospitalisation est nécessaire.

Enfin, le gouvernement conseille en cas de situation urgente de réactiver les dispositifs d’aides à la garde d’enfants et au logement comme « par exemple les dispositifs d’accueil d’enfants des personnels prioritaires des ESMS »  ou « les services de l’Etat et leurs partenaires pour identifier des solutions de logement temporaire dans le parc public ou privé (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), foyers de jeunes travailleurs, meublés touristiques, …). » 

La direction régionale de Pôle emploi est aussi mobilisée pendant cette période pour accélérer le recrutement de personnel et participer à l’attractivité de ces métiers.

Des dispositifs proposés aux personnels

Entre le 1er juin et le 15 septembre prochain, un dispositif « d’incitation financière pour les personnels non médicaux de la fonction publique hospitalière exerçant dans les établissements publics de santé et établissements sociaux et médico-sociaux »  est mis en place. Cette mesure prévoit « une majoration exceptionnelle des heures supplémentaires »  pour les personnels non médicaux des ESMS relevant de la fonction publique hospitalière et ce « quel que soit leur service d’affectation. » 

Autre décision du gouvernement : les infirmiers remplaçants peuvent exercer en même temps que les titulaires. « Cette mesure dérogatoire est en vigueur jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire (31 juillet 2022) » , peut-on lire dans la circulaire.

Contrats de vacation et mobilisation des Dreets

Les ESMS ont « la possibilité (…) de recourir à des contrats de vacation de gré à gré avec des professionnels médicaux et paramédicaux libéraux ou exerçant en centre de santé. »  Il est précisé que dans ce cadre, « la rémunération s’effectue au forfait à la demi-journée »  (c’est-à-dire quatre heures), « avec des tarifs plafond de remboursement variant selon le statut des professionnels ». Les médecins ont un forfait de 320 euros et les infirmiers 120 euros.

La circulaire insiste aussi sur le fait que les EHPAD ont « la possibilité de recourir aux professionnels de l’hospitalisation à domicile (HAD). »  Mais là encore, la solution semble mince puisque le personnel à domicile manque aussi, surtout dans les territoires ruraux, selon les observations de l’association Urmad (Unité de retour et de maintien à domicile). Même si l’urgence de la situation nécessite une mobilisation rapide, le problème ne fait qu’être déplacé pour le moment.

Dernière recommandation du gouvernement : il a été demandé aux directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) d’accélérer « le processus de diplomation »  pour « permettre à un maximum de professionnels de pouvoir exercer durant la période estivale. »