SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE : POLÉMIQUE DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Les syndicats ont vivement critiqué l’idée avancée par le ministre Stanislas Guerini d’un développement du télétravail pour réduire la consommation d’énergie dans les administrations.

L’échéance est fixée : c’est fin septembre que l’exécutif présentera son plan de réduction de la consommation d’énergie dans les administrations. Les premières pistes esquissées par le gouvernement sont néanmoins déjà sujettes à polémique et l’une d’entre elles en particulier, celle d’un développement du télétravail dans la fonction publique.

Sur CNews, ce vendredi 26 août, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, a en effet avancé l’idée de “développer davantage encore” le télétravail des agents publics pour être en capacité de fermer un bâtiment et ainsi “ne pas le chauffer, ne pas l’éclairer”. Manière donc de réaliser des économies….

Il n’en a pas fallu plus pour que cette piste de réflexion recueille de vives critiques de la part d’agents publics sur les réseaux sociaux. “Si vous augmentez le nombre de jours de télétravail, la charge de l’énergie portera sur nos budgets. Les ordinateurs, le chauffage toute la journée…”, s’émeut ainsi l’une d’entre-elles. Si le télétravail peut permettre dans certains cas de diminuer les émission de CO2 liées aux transports utilisés pour se rendre à son travail, elle interroge malgré tout sur son impact écologique : un agent consommerait-il moins d’énergie isolé chez lui en télétravail ou dans un open space aux côtés de plusieurs de ses collègues ?

“Mauvaise idée”

Les propos du ministre ont, sans surprise, suscité le courroux de plusieurs syndicats, à commencer par Solidaires Fonction publique qui est de suite monté au créneau après les propos de Stanislas Guerini : “Après un dégel du point de 3,5% qui ne couvre ni les pertes accumulées ni l’inflation, le ministre propose désormais que les agents paient les factures à la place de l’État. Il faut répondre à la crise écologique avec une vraie rupture, pas sur le dos des agents”. 

Même tonalité du côté de la CGT Fonction publique où sa co-secrétaire générale, Céline Verzeletti, trouve “ridicules” les propos du ministre. “Ce n’est certainement pas la solution de renvoyer les agents travailler chez eux, le télétravail est un mode de travail et non une mesure pour restreindre les dépenses de l’État”, développe-t-elle en préconisant au contraire une réduction du temps de travail pour “moins travailler”, “mieux travailler” et “éviter les gâchis”. 

« Il ne sera pas acceptable que la sobriété de l’État se traduise par de simples transferts des charges vers les agents et leurs familles », poursuit la CFDT Fonctions publiques. “Ce n’est pas avec ce genre de proposition que le ministre va inciter les agents à télétravailler, abonde Christian Grolier de FO Fonctionnaires. C’est une mauvaise idée qui renvoie vers les personnels à leur domicile les coûts en matière d’énergie”. L’occasion pour ce syndicaliste d’appeler à “laisser le temps au dialogue”. Référence à la concertation et aux groupes de travail engagés depuis près de deux mois par le gouvernement pour un “État exemplaire”.

Plusieurs organisations syndicales viennent en effet d’être consultées à ce titre par le gouvernement et d’autres le seront dans les prochains jours. Des rendez-vous au cours desquels la question du développement ou non du télétravail ne manquera donc pas d’être abordée par les représentants du personnel après les propos de Stanislas Guerini.

Indemnité télétravail en question 

“Si l’idée mérite d’être approfondie, il ne s’agit que d’une mesure parmi tant d’autres à mettre en œuvre”, tempère Nathalie Makarski de la CFE-CGC qui, comme beaucoup de ses collègues syndicalistes, appelle les employeurs publics à “prendre en compte les besoins matériels et organisationnels des télétravailleurs”. 

Dans le viseur des organisations syndicales notamment, le montant de l’indemnité versée aux agents publics actuellement fixée à 2,5 euros par journée de télétravail effectuée, dans la limite de 220 euros par an. Un montant insuffisant selon les représentants du personnel, qui plaident ainsi pour la revalorisation de cette indemnité. “La sobriété ce n’est pas du rationnement”, a ainsi affirmé Mylène Jacquot de la CFDT Fonctions publiques en précisant que le montant de ladite indemnité avait été défini “avant les augmentations importantes des coûts de l’énergie”. 

“Tous les agents ne bénéficient même pas de cette indemnité ce qui leur fait supporter des coûts supplémentaires (chauffage et électricité de leur lieu de télétravail)”, précise Pascal Kessler de la FA-FP “sans révoquer tous les aspects positifs et négatifs du télétravail”. 

Demande de négociation 

Au-delà, la question du télétravail fait sans surprise écho aux débats qui ont eu lieu durant la crise sanitaire, lorsque les agents publics s’étaient vus contraints de télétravailler en raison de la situation épidémiologique. “Si on est en situation de crise, il ne faudra pas que ce type de mesures soit mis en place uniquement pour les services publics”, souligne Benoit Teste de la FSU. Ce dernier évoque à ce propos un “risque”, “comme au moment du Covid-19”, “de concurrence avec des services considérés comme non essentiels”. 

Dans le cas où une “solution extrême soit prise”, “il faut qu’elle s’appuie sur un plan d’urgence négocié dans le cadre du dialogue social“ et qu’“aucun agent ne soit pénalisé”, ajoute Luc Farré de l’Unsa Fonction publique. “La continuité du service public doit être assurée”, poursuit-il en insistant également sur la déclinaison de l’accord de juillet 2021 relatif au télétravail dans la fonction publique. Un accord signé à l’unanimité pour “améliorer” la mise en œuvre du télétravail dans le secteur public, fort des enseignements de la crise sanitaire. “Nous avons signé un accord sur le télétravail, développe Luc Farré. Il doit d’abord être mis en œuvre et s’appliquer. Nous savons que cette étape n’est pas atteinte partout”. 

Sollicité par Acteurs publics, l’entourage de Stanislas Guerini n’avait pas répondu à notre demande de réaction à l’heure de rédaction de cet article.