PROTECTION FONCTIONNELLE : DEUX POIDS, DEUX MESURES
Une protection fonctionnelle doit-elle s’appliquer à un élu mis en cause dans des affaires de harcèlement ? Une récente affaire met en relief les faiblesses d’un dispositif qui avantage les élus aux dépens des agents.
Quand un maire est accusé (dans le cadre de ses fonctions) de harcèlement contre deux de « ses » agents, il peut demander à son conseil une « protection fonctionnelle » qui lui permet de faire prendre en charge « ses » dépenses d’avocat par la collectivité. Quant aux agents « accusateurs », même s’ils ont explicitement de- mandé à la commune cette prise en charge, le maire ayant « omis » d’inscrire ce point ce point à l’ordre du jour du conseil municipal et n’ayant pas non plus accepté cette requête de prise en charge qui n’a pas forcément à passer en délibéré, ils devront trouver les fonds pour se défendre seuls.
C’est ce qui se passe aujourd’hui à Issy-les-Moulineaux, où le maire est accusé « d’agression sexuelle », « harcèlement moral et sexuel » par deux anciens collaborateurs. Alors qu’ailleurs, un conseil municipal ou d’agglomération a déjà accordé cette protection fonctionnelle en même temps à l’agent et à l’élu concerné, ce n’est pas le cas d’Issy.
Il y a une interrogation légitime : une protection fonctionnelle doit-elle s’appliquer à un élu mis en cause sur ce type de comportement ? Mais c’est surtout l’absence de possibilité pour des agents « victimes » d’avoir une défense qui pose question. Le caractère diffamatoire peut exister, mais on peut se demander si c’est bien à la collectivité́ concernée de se positionner sur ce type de question. Ne serait-ce pas à un organisme extérieur (type centre de gestion) de prendre la décision, voire de financer ou de préfinancer la défense, quitte à se faire rembourser en cas – par exemple – de diffamation ?
Et même sans recours à un tiers, il existe un système de déport à un maire ou un président de se décharger provisoirement de certaines fonctions et de déléguer à un adjoint le soin de le faire… À Issy, les plaignants vont donc devoir se retourner contre leur employeur pour exiger la protection fonctionnelle qui leur est due avant de pouvoir faire juger des agressions qu’ils disent avoir subies. En d’autres temps, on appelait cela une double peine.
Denis Courtois