LA SANTÉ AU TRAVAIL, PARENT PAUVRE DU DIALOGUE SOCIAL ?

Destinée à remplacer le CHSCT, la formation spécialisée fait l’objet de controverses. L’enjeu : le maintien du dialogue social sur la santé au travail, une question majeure en raison de l’absentéisme élevé.

Dossiers cruciaux en attente

Quid des milliers d’administrations locales ayant moins de 200 agents ? Et qu’en est-il de la composition, de l’organisation et des prérogatives de la FS ? Mystère. De quoi susciter des controverses et, in fine, des choix très différents d’une collectivité à l’autre. « Cela risque d’être très disparate », observe Laurent Mateu, secrétaire fédéral de FO Territoriaux.

Or des dossiers cruciaux attendent la FS, désormais seule instance de dialogue social dédiée à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail : niveau élevé d’accidents de service dans plusieurs métiers techniques et du médicosocial, inaptitudes qui se multiplient chez les agents ayant une cinquantaine d’années, troubles psychosociaux (anxiété, burn-out…), etc. « Vu les spécificités et la pénibilité de certains métiers, le sujet des conditions de travail est central », souligne ­Antoine ­Guillou, adjoint à la maire de Paris chargé des RH (52 000 agents, 2,15 millions d’hab.).

Questions passées sous silence

Coup d’éclat au printemps dernier : des CDG ont fait part de leur refus de prévoir une FS pour les collectivités qui emploient moins de 200 agents. Au début de l’été, la direction générale des collectivités locales a affirmé son caractère obligatoire dans l’ensemble des CDG pour les collectivités affiliées (moins de 350 agents). Mais nombre d’employeurs territoriaux sous le seuil de 200 agents pourraient chercher à s’y soustraire.

D’autres risques menacent la nouvelle instance. Le plus important est celui « d’une dilution des questions de santé au travail au sein du CST », pointe ­Antoine ­Guillou, à l’image de ce qui s’est produit dans le secteur privé, la disparition du CHSCT fondu dans le CST ayant affaibli le dialogue social sur les risques professionnels. « La FS n’étant pas une instance de plein exercice, comme l’était le CHSCT, on craint que les questions de santé et de sécurité ne soient traitées qu’en toute fin de réunion du CST, minimisées ou passées sous silence », critique ­Natacha ­Pommet, secrétaire générale de la CGT Services publics.

Les mêmes élus et suppléants sont en effet censés traiter tous les sujets à l’ordre du jour du CST et de sa FS, là où des syndicalistes siégeaient uniquement en CHSCT et se dédiaient à l’examen et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Nombre d’exécutifs territoriaux s’opposent à cette réduction des moyens accordés aux organisations syndicales, avec la volonté de préserver le dialogue social. « Il faut avoir des partenaires sociaux formés, qui ont des moyens pour travailler, dans des instances structurées qui sont des lieux de régulation », estime ­Patrick ­Coroyer, président de l’ANDRHDT. Avec l’intérêt que l’instance chargée de la santé au travail « est moins politique », relève, en outre, ­Mathilde ­Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités.

Moyens demandés

Parmi les moyens demandés aux collectivités, le plus important est le deuxième suppléant pour chaque titulaire du CST, selon ­François ­Moreau, secrétaire adjoint de la CFDT Interco de la région des Hauts-de-France (9 000 agents). « Cela permet à des militants syndicaux de s’investir sur les sujets de santé au travail, des dossiers qui prennent du temps », précise-t-il. Là-bas, il est également prévu une deuxième FS qui prendra le relais de l’ancien CHSCT dédié aux lycées.

Même orientation à la ville de Paris, qui calque sa nouvelle organisation sur l’ancienne : un CST et une FS centraux dotés du double de suppléants, ainsi qu’une FS au sein de chaque grande direction, avec les mêmes compétences que leurs prédécesseurs.

A Lyon (8 000 agents, 522 200 hab.) aussi, « la FS sera assez semblable au CHSCT », assure ­Maëlle ­Rivoalen, responsable du service « vie au travail ». Une nouveauté : une formation de deux jours sur la santé et la sécurité au travail pour les élus du CST, en plus de la formation des membres de la FS (cinq jours), déjà renforcée de deux journées supplémentaires. L’objectif principal est que les élus étudient les dossiers des réorganisations de service sous tous les angles, évitant un passage en FS. Tout dépendra de la nouvelle représentation syndicale.

L’évaluation des risques professionnels ne s’improvise pas

Les représentants du personnel siégeant dans les instances compétentes en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail doivent suivre une formation, au minimum de cinq jours, dont deux avec l’organisme de leur choix. « Les membres de la formation spécialisée bénéficieront de la même formation », assure ­Annaëlle Bourvon, responsable de la mission « dialogue social » de la ville et de la métropole de ­Rennes (43 communes, 7 000 agents, 457 400 hab.).

C’est une nécessité selon les syndicats, qui alertent sur le fait que ce droit doit être respecté pour permettre aux représentants du personnel de monter en compétences sur des sujets très techniques. « Analyser l’arbre des causes d’un accident du travail et prévoir des mesures de prévention, ou faire l’évaluation des risques professionnels, ça ne s’improvise pas », souligne ­Marie ­Mennella, secrétaire nationale de la CFDT Interco.

Publié le 25/01/2023
Par Solange de Fréminville
dans : lagazettedescommunes.com