RETRAITES : DEVANT LES PARLEMENTAIRES, FO DÉFEND UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI « SOCIALE ET JUSTE »

Avant que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ne débute ce lundi 30 janvier l’examen du projet de réforme des retraites, elle a auditionné les confédérations représentatives dont FO. Conduite par le secrétaire confédéral Éric Gautron, la délégation FO a réaffirmé son opposition au projet dangereux, injuste et injustifié de l’exécutif. Et réitéré ses revendications, lesquelles proposent d’autres solutions de financement. La première d’entre elles est une politique de l’emploi assurant une carrière complète, à tous, et une réelle égalité salariale aux travailleuses. Une position également défendue devant la commission des affaires sociales du Sénat.

Deuxième sortie unitaire, et nouvelle déclaration commune, contre la réforme des retraites. Les numéros un des huit organisations syndicales ont tenu mercredi 25 janvier une conférence de presse devant l’Assemblée nationale pour réaffirmer collectivement leur opposition au projet de l’exécutif, et leur détermination à obtenir son retrait.

Cette intersyndicale est pleine, entière et déterminée. On va gagner et on doit gagner, a martelé devant caméras et micros Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, à l’issue de la lecture de la déclaration commune.

Les organisations y dénoncent une réforme brutale et injuste, alors que notre système de retraites par répartition n’est pas en danger. La réforme est d’autant plus injuste, appuient-elles, qu’elle va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs et travailleuses, et plus particulièrement celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt, les plus précaires, mais aussi celles et ceux dont la pénibilité des métiers n’est pas reconnue.

Préparer la bataille parlementaire

L’intersyndicale y rappelle aussi le théâtre des concertations menées par l’exécutif avant la présentation de son texte, lequel s’est conclu sans réelle prise en compte des demandes portées par les syndicats et proposant d’autres solutions de financement : Jamais le gouvernement, arc-bouté sur son projet, ne les a étudiées, pointent les organisations. Une critique qui était aussi un message envoyé aux parlementaires : au moment où lecture était faite de la déclaration commune, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale débutait l’audition des responsables du dossier retraite des cinq confédérations représentatives dont FO.

La bataille parlementaire sur la réforme s’engage au palais Bourbon dès ce lundi 30 janvier, date de début de l’examen du projet de loi en commission des affaires sociales. Mais la bataille de conviction auprès des députés et sénateurs a débuté dès le lendemain de la puissante mobilisation du 19 janvier, qui a rassemblé plus de deux millions de manifestants en France. Contre ce projet de réforme des retraites, qui compromettrait la santé des travailleurs au motif de réaliser des économies sur les dépenses publiques, de nombreux rassemblements intersyndicaux ont été organisés devant les préfectures et devant les permanences des parlementaires que les militants ont rencontrés, a précisé Frédéric Souillot aux journalistes.

Assemblée nationale : des députés en rangs fournis pour entendre les confédérations

En tout cas, à l’Assemblée nationale où l’exécutif dispose d’une majorité relative, il y a eu affluence à la commission des affaires sociales pour entendre la voix des représentants des travailleurs. Les rangs des députés présents étaient fournis, plus fournis que pendant notre audition sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) [auquel la réforme des retraites est intégrée, ce qui permet à l’exécutif de bénéficier, sur ce texte à caractère budgétaire, d’un recours illimité au 49.3, NDLR], précise Éric Gautron, chef de file de la délégation FO. Au total, l’audition des cinq organisations aura duré deux bonnes heures, rythmées par deux « tours de table » de questions, particulièrement sur l’emploi des seniors et la pénibilité.

La délégation FO estime avoir eu le temps d’exposer ses arguments. A commencer par le caractère infondé de cette réforme qui ferait travailler tout le monde deux ans de plus (à l’exception de certains travailleurs handicapés). Et tandis que la réforme affiche sa seule visée, budgétaire, soit une réduction des dépenses publiques le dernier rapport du COR (Conseil d’orientation des retraites) montre, lui, l’absence de dynamique incontrôlée des dépenses de retraite. Quant à la prétendue nécessité de travailler plus longtemps, elle nie la réalité d’une espérance de vie en bonne santé qui stagne depuis dix ans (à 64,1 ans pour les femmes et 62,7 ans pour les hommes). Comparés à leurs voisins européens, en moyenne, les Français vivent un an de moins en bonne santé. Or la réforme, en cumulant le recul de l’âge de départ et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation, conduirait à faire partir beaucoup de travailleurs après 64 ans, et même après 67 ans.

Et elle pénaliserait les seniors qui rencontrent dès 55 ans des difficultés pour être employés, les femmes qui travaillent déjà plus longtemps pour compenser des carrières souvent hachées et cantonnées à des temps partiels subis, les nombreux travailleurs ayant un emploi pénible ou ayant commencé à travailler tôt. Le texte minimise la prise en compte de la pénibilité du travail : au motif d’assurer l’équilibre du système, il acterait une ponction dans les caisses de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), par une nouvelle exonération patronale compensant la hausse du taux de cotisation vieillesse pour les employeurs… En clair, ce sont 800 millions d’euros qui n’iront plus à la réparation, ni à la prévention dans les entreprises pour la santé et la sécurité des travailleurs, a appuyé Éric Gautron.

Le vieillir en bonne santé : « un choix de société »

Nous sommes face à un choix de société. Le vieillir en bonne santé n’est pas pris en compte dans cette réforme, alors que les deux années de travail supplémentaire qu’elle voudrait acter sont une condamnation pour beaucoup de travailleurs, a insisté la délégation FO, en rappelant l’implication importante des jeunes retraités dans le monde associatif, en soutien des parents, des proches dépendants. En voulant faire travailler les Français jusqu’à l’usure, c’est toute l’organisation de la société qui est remise en cause. Tout le monde en sortira perdant, a averti Éric Gautron.

La réforme ne ferait que prolonger la précarité des seniors. Aujourd’hui, un travailleur sur deux ne travaille plus à 62 ans (âge légal de départ), parce qu’il est au chômage ou en invalidité. Occulter cette réalité, c’est pour FO mettre aussi sous le tapis l’explosion [attendue, Ndlr] des coûts sur toute la protection sociale.

Les reports de charges seraient massifs : report sur l’Unedic (pour indemniser les seniors sans emploi), report sur la branche maladie (pour prendre en charge leurs dépenses de santé, leur invalidité, leurs indemnités journalières), report sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles AT-MP (pour réparer les accidents du travail et les maladies professionnelles, plus nombreux), report sur les Départements (pour financer les nouveaux bénéficiaires du RSA). Report enfin sur la protection sociale complémentaire, et les prestations prévoyance payées par les travailleurs. Lequel a été estimé à 10 milliards d’euros par la Mutualité Française. Contrairement à ce que prétend l’exécutif, sa réforme ne va rien faire économiser, a appuyé la délégation.

Quant aux « mesures sociales » annoncées, elles ne sont que des mesurettes ne touchant qu’une minorité de Français, a dénoncé FO. La très médiatisée pension minimale à 85 % du Smic (1 200 euros net), montant à peine supérieur au déclenchement du seuil de pauvreté, n’est destinée qu’aux seuls travailleurs ayant eu une carrière complète au Smic. Occultée, de nouveau, la réalité du marché du travail !

FO appelle à engager une politique de l’emploi « sociale et juste »

Pour FO, il n’y a qu’une alternative pour équilibrer les comptes du système de retraite, sans forcer à travailler jusqu’à l’épuisement et en assurant un niveau de retraite correct. Elle repose sur une politique d’emploi créant les conditions d’une carrière complète pour tous, seniors inclus. Car, comme l’ont montré les récents travaux d’économistes, augmenter de dix points le taux d’emploi des 55-64 ans – de 56 % à 66 % – permettrait d’ici 2032 d’équilibrer les comptes du système de retraite, sans toucher ni à l’âge légal de départ (62 ans) ni à la durée de cotisations (43 ans d’ici 2035). Cela permettrait même, a insisté Éric Gautron, de développer des dispositifs de départ anticipé à 60 ans. Une revendication majeure de FO.

La délégation a pu présenter ses propositions pour une politique d’emploi sociale et juste. Pour FO, elle passe par le renforcement du maintien dans l’emploi des seniors, d’abord en prenant en compte la pénibilité avant la fin de carrière, et toutes ses origines sans exclusive. Par la réintégration dans le compte professionnel de prévention (C2P) des quatre critères d’exposition supprimés en 2017 au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, par l’ajout d’un critère sur l’exposition aux risques psychosociaux (RPS), par une meilleure prise en compte de la poly-exposition. FO a revendiqué également le conditionnement des aides aux entreprises à des résultats efficients en matière d’emploi des seniors. La création d’un index senior n’est pas une mesure efficace et suffisamment contraignante pour les employeurs, a expliqué la délégation.

Pour FO, le second pilier est une politique de lutte contre les inégalités femmes-hommes au travail, qui impose une égalité salariale pour les femmes et qui instaure, pour lutter contre les temps partiels imposés, une obligation pour l’employeur de cotiser sur un temps plein.

Pour impulser ces politiques, FO demande un réel cadrage législatif, et non pas un systématique renvoi vers les branches, où les éventuels progrès en matière de lutte contre les inégalités et l’emploi des seniors seraient laissés au bon vouloir des employeurs.

Sénat : des questions très cadrées

Au Sénat, jeudi 26 janvier, l’audition de FO par la commission des affaires sociales a été bien plus contrainte. Réalisée par deux sénateurs, et en leur seule présence, elle s’est réduite à des demandes de précisions sur un questionnaire en quinze points, très cadré et envoyé au préalable. Nous n’avons pas pu développer autant nos arguments et revendications qu’à l’Assemblée nationale, constatait le secrétaire confédéral Éric Gautron, au sortir de l’audition.

Hormis sur un point : l’absence complète d’écoute de l’exécutif lors du cycle de concertations sur la réforme. Les dés étaient jetés avant nos rencontres. Globalement, le gouvernement n’a pas été dans le dialogue et n’a pas fait de retour sur nos propositions. Tout au long de la concertation, c’est par voie de presse que nous avons découvert les éléments qu’il avait choisi de reprendre ou non, a appuyé la délégation FO.

Une manière de renvoyer les membres de la représentation nationale à leurs responsabilités sur la réforme, qui ne cesse de gagner en impopularité. Elle est rejetée par 72 % des Français, comptabilisait un sondage paru le 25 janvier, à la veille de l’audition de FO au Sénat.

InFO militante

par Elie Hiesse, L’Info Militante

Photo : Conférence de presse devant l’Assemblée nationale des huit organisations syndicales le mercredi 25 janvier 2023. DR