SECRÉTAIRES DE MAIRIE : LES SÉNATEURS TENTENT DE SAUVER LE MÉTIER

Le sujet est connu et sensible : il manque près de 2 000 secrétaires de mairie en France. Figurant dans le classement des métiers en grande tension dans la territoriale, il a fait l’objet d’une proposition de loi adoptée en commission au Sénat, mercredi 29 mars. Le texte, qui élargit, notamment, le recourt au CDD pour les communes de 2 000 habitants, doit être examiné en séance publique le 6 avril.

CHIFFRES-CLÉS

 

• 94 % des secrétaires de mairie sont des femmes et 60,4 % relèvent de la catégorie C ;

 

• 62 % exercent à temps non complet et 24 % partagent leur temps de travail sur 3 communes ou plus ;

 

• Plus de 1 900 postes sont à pourvoir en 2023 ;

 

• Un quart des agents ont plus de 58 ans, et 60 % ont plus de 50 ans.

Un tiers des secrétaires de mairie aujourd’hui en poste partiront à la retraite d’ici à 2030.
Sources : rapport d’information n° 289 – délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat/CNFPT /FNCDG

Réussir à recruter des secrétaires de mairie coûte que coûte. Particulièrement en tension, le métier a fait l’objet d’une proposition de loi pour relancer son attractivité. Adopté en commission au Sénat avec modifications, mercredi 29 mars, le texte doit être présenté en lecture publique et en présence de Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, le 6 avril. Prochaine étape : sa discussion à l’Assemblée nationale.

Rémunérations faibles, exigences de compétences variées, temps non complets, fortes responsabilités… Le métier concentre à lui seuls les difficultés de la territoriale, débouchant sur un défaut d’attractivité déjà bien identifié, qui tend à s’accroitre.

Selon le rapport de la commission des lois du Sénat, un-tiers des agents à ces postes partiront en retraite d’ici à 2030. Des emplois très majoritairement occupés par des femmes (94%).

Depuis quelques années, plusieurs associations de territoriaux ou d’élus ont tiré la sonnette d’alarme. L’AMF avait, en 2021 et sur demande du ministère, dressé une liste de 26 préconisations. Certaines d’entre-elles ont d’ailleurs été reprises dans la proposition de loi.

Des avancées à petits pas

Dans sa version amendée, les auteurs de la proposition tentent de juguler l’hémorragie en s’appuyant sur 3 axes.

Tout d’abord, la formation initiale, dont doivent bénéficier les secrétaires de mairie. Bien souvent, lorsqu’elles entrent en fonction, la formation se fait sur le tas, quand il n’y a pas de passage de relais de la part de l’agent en partance.

La proposition de loi oblige donc, « en application des statuts particuliers dont ils relèvent, que les agents qui occupent un emploi de secrétaire de mairie reçoivent, dans un délai d’un an à compter de leur prise de poste, une formation adaptée aux besoins des collectivités concernées ». Une formation qui serait dispensée par le CNFPT.

L’article 4 s’attache à ce que soit instaurées des listes d’aptitudes comprenant une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie. Une nouveauté qui doit permettre à ce métier, à cheval entre plusieurs cadres d’emploi, de bénéficier d’une meilleure prise en compte des expertises, qui seront inscrites dans un texte réglementaire.

Cette liste doit également faciliter leur promotion interne en créant, de fait, un ratio dédié à ces postes. Les secrétaires de mairie étant bien souvent mises « en concurrence » avec des agents reconnus plus qualifiés.

Enfin, le recours aux contractuels pour ces postes est désormais autorisé pour les collectivités comptant de 1 000 à 2 000 habitants. Sur cette question, certains sénateurs préconisaient une aide financière de l’État destinée spécifiquement à ces strates communales, via un fonds de soutien, afin de mettre en œuvre ce nouveau levier. Un amendement retoqué en commission au motif de la libre administration.

Des outils contre la pénurie

Ce texte était « nécessaire », selon Céline Brulin, sénatrice de la Seine-Maritime (PCF). C’est elle qui a déposé sa première version, le 30 mars 2022, aux côtés d’autres sénateurs du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE).

Au lendemain de son adoption qui comporte tout de même de larges modifications, la sénatrice se dit satisfaite. « J’avais pris l’initiative de déposer cette proposition quand l’élue d’une commune de 500 habitants sur ma circonscription m’avait interpellée alors qu’elle tentait désespérément de faire remplacer sa secrétaire de mairie en arrêt maladie. Le CDG ne pouvait rien faire, il manquait déjà 50 secrétaires sur le département. Aujourd’hui, on doit en être à une centaine », détaille la sénatrice qui espère « un choc d’attractivité » avec cette proposition.

Un manque de candidat qui s’étend au niveau national puisque, selon le rapport mené par la commission, il manquerait 1 900 secrétaires de mairie en France (voir encadré chiffres clés).

Concernant l’élargissement au recours de contractuels, la sénatrice communiste défend une mesure d’urgence pour pallier le manque d’effectifs et appelle à ne pas le confondre avec un délitement du statut.
« Il ne faut pas que cela précarise davantage les secrétaires de mairie et il faut permettre aux contractuels d’être titularisés. Mais la réalité du terrain, c’est que ces postes exigeants ne permettent que peu de temps pour passer les concours », fait valoir Céline Brulin.

Pour rappel, la loi exige que l’élu ou le DRH de la collectivité n’embauche des contractuels en emploi permanents sur ces postes que si aucun titulaire n’a pu être recruté.

Pas de création de cadre d’emploi…

Le métier n’attire plus et la pyramide des âges va encore aggraver la situation. Pivot essentiel des petites communes, ces agents prennent en charge des missions très variées : état civil, démarches d’urbanisme, projet d’aménagement, recherche de subventions… Un éventail d’expertises qui demande une polyvalence particulière.

Pourtant, plus de 60 % des secrétaires de mairie sont agents de catégorie C. En mars 2022, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) avait fait passer de 15 à 30 le nombre de points d’indice majorés attribués aux agents exerçant les fonctions de secrétaire de mairie, dans les collectivités de moins de 2 000 habitants. Soit 140 euros bruts mensuels de plus sur la fiche de paie. Pas assez pour compenser l’inflation, ni même séduire de nouveaux candidats.

Murielle Fabre, co-présidente de la commission FPT et RH à l’AMF dont elle est aussi secrétaire générale, regrette que la modification du statut d’emploi et donc de la création de nouvelles grilles indiciaires n’ait pas été retenue. « Je ne suis pas surprise, cela relève du réglementaire, mais nous continuerons d’avancer l’argument devant monsieur le ministre ».

L’éventualité de la création d’un cadre d’emploi inspiré de celui des emplois fonctionnels de la territoriale a, en effet, été écartée par la commission. « Le rapporteur a estimé que la création d’un statut d’emploi ne permettrait pas d’offrir des perspectives de carrière améliorées aux secrétaires de mairie, ni ne constituerait un facteur particulier d’attractivité », écrivent les sénateurs.

« Nous souhaitions également inscrire une compétence obligatoire dans les CDG. À savoir, un service commun de remplacement de secrétaires de mairie. Dans les faits, 80% des CDG l’ont déjà mis en place, mais cela n’a pas été inscrit dans la proposition de loi », continue Murielle Fabre qui a également piloté en 2021 un groupe de travail dédié à cette question et mené plusieurs auditions afin d’établir un diagnostic de la situation.

Sur le volet formation, l’AMF souhaite aller plus loin : « Au-delà de l’accompagnement de prise de poste, nous préconisons des formations universitaires comme des licences professionnelles, par exemple ».

… Ni de changement d’appellation

Par ailleurs, le changement d’appellation, préconisé par l’AMF, a aussi été écarté.
Si ce n’est pas « un pas de géant, selon la secrétaire générale de l’AMF, ce texte permet au moins d’entrer dans le vif du sujet.

Enfin, le rapport de la commission, co-présidée par la sénatrice Catherine Di Folco, (Auvergne – Rhône Alpes, LR), invite Stanislas Guerini qui a annoncé les chantiers à venir, à « prêter une attention toute particulière à la situation des secrétaires de mairie dans le cadre des travaux, lancés le 1er février 2023 par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, portant sur l’accès, les rémunérations et les parcours professionnels dans la fonction publique ».

Publié le 31/03/2023
• Par Emeline Le Naour
• dans : lagazettedescommunes.com