RÉFORMES DES RETRAITES : À COMPLÉTER POUR LA COUR DES COMPTES, À ABROGER POUR LES SYNDICATS

Alors que l’intersyndicale appelle à faire pression sur les députés, dans la rue, le 6 juin, pour qu’ils votent un texte visant à faire abroger la réforme des retraites, la Cour des comptes publie un rapport alertant les parlementaires sur des points de cette loi à compléter : l’égalité femmes-hommes et l’équilibre financier de la caisse de retraite des agents des collectivités.

C’est un double appel que l’intersyndicale contre la réforme des retraites vient de lancer, le 30 mai, par voie de communiqué : un appel public, d’abord, à participer, le 6 juin, à la 14e journée de manifestation et de grève contre cette réforme, mais aussi un appel aux députés pour qu’ils votent, deux jours après soit le 8 juin, la proposition de loi déposée par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) et visant à la faire abroger.

Une abrogation que le front syndical juge « indispensable » pour « avancer enfin sur les préoccupations des travailleurs et travailleuses », à commencer par les rémunérations. « L’État doit aussi montrer l’exemple en augmentant le point d’indice dans la Fonction publique », revendiquent-ils.

Inégalités salariales de genre : dans le public aussi

Dans ce contexte, la Cour des comptes vient de publier, le 24 mai, son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale , qui juge la réforme insuffisante, notamment sur deux points. Le premier d’entre eux est un sujet que les organisations syndicales mettent, elles aussi, en avant dans leur communiqué du 30 mai : les inégalités femmes-hommes à la retraite, liées notamment à celles de leurs salaires. Bien qu’inférieur à celui du privé, un écart de rémunération existe aussi dans le public, où il est de 15,7 % en 2019.

Or la LFRSS « n’ayant pas apporté de modifications substantielles aux droits familiaux de retraite », estime la Cour des comptes, celle-ci réitère une préconisation de « compenser à coût constant et de manière plus ajustée (moins en attribution de trimestres, plus en majoration de pension) l’incidence sur les droits à retraite des pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière pour l’éducation des jeunes enfants ». Une compensation notamment nécessaire, juge-t-elle, « pour les pensions les plus faibles, tout en préservant des droits spécifiques à partir de trois enfants ».

Autre sujet sur lequel la Cour des comptes attire l’attention des parlementaires : si le déficit de la sécurité sociale devrait être ramené à 8,2 Mrd€ en 2023 contre 19,6 Mrd€ en 2022, il devrait se dégrader à nouveau « dès 2024, et malgré les effets favorables attendus de la réforme des retraites ». Particulièrement en cause : le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités (CNRACL).

Situation de la CNRACL « de plus en plus préoccupante »

Selon ce rapport, ni la mise en œuvre des mesures de report de l’âge de la retraite, ni l’augmentation du taux de cotisation des employeurs territoriaux ne vont suffire à éponger les plus de 6 Md€ de solde déficitaire attendus en 2030 pour ce régime. « Un montant supérieur à cette date à la totalité du déficit de la branche vieillesse des régimes de base et du Fonds de solidarité vieillesse », insistent les auteurs, qui, lui, s’élèvera « seulement » à 4 Md€. « La situation de la CNRACL de plus en plus préoccupante », estime donc la Cour des comptes.

Or les palliatifs trouvés ces dernières années atteignent leurs limites. En 2021, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) a repris le déficit de 2018 et celui de 2019 (1,3 Md€) de la CNRACL, mais celui-ci étant devenu structurel depuis 2020, les capitaux propres du régime ont à leur tour plongé (- 2,3 Md€ à la fin de 2022).

La Caisse a par ailleurs obtenu l’autorisation de souscrire des emprunts à court-terme auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) – dans la limite de 7,5 Md€ -, mais cette solution est « de plus en plus coûteuse avec la remontée rapide des taux d’intérêt », alerte la Cour des Comptes comme l’a déjà fait Richard Tourisseau, président du conseil d’administration du régime. C’est pourquoi, prévient la Cour des comptes, « il faudra élaborer de nouvelles solutions pour la reprise des déficits de la CNRACL ».

RÉFÉRENCES // Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Cours des comptes, mai 2023)

1er juin 2023
Véronique Vigne-Lepage
Pour La Gazette des Communes