FONCTION PUBLIQUE : L’IDÉE D’UN DÉVELOPPEMENT DE LA RÉMUNÉRATION AU MÉRITE CRISPE DÉJÀ LES SYNDICATS

A peine annoncée, la volonté du ministre Stanislas Guerini de « mieux reconnaître le mérite » des agents publics est déjà et sans surprise vivement critiquée par les syndicats dont certains craignent une mise en concurrence.  Les discussions s’annoncent donc sensibles sur cet important volet du futur projet de loi de réforme de la fonction publique.

La fonction publique aura bientôt une nouvelle grande loi. Le ministre Stanislas Guerini vient de l’annoncer : il prépare un nouveau projet de loi de réforme de la fonction publique pour la rendre « plus attractive » et « plus moderne ». Un texte au travers duquel le gouvernement souhaite notamment « mieux récompenser le mérite des agents ». 

Lors de son discours de rentrée ce vendredi 1er septembre, le ministre a prôné à de multiples reprises la rémunération au mérite des agents publics. « Réformer la fonction publique, c’est mieux reconnaître le mérite, l’engagement et les compétences de chacun », a-t-il ainsi souligné depuis l’Institut régional d’administration (IRA) de Lyon. Pour cela, a développé Stanislas Guerini, il faut « rémunérer davantage l’agent qui fera plus, qui aura fait mieux » mais aussi « davantage rémunérer » les équipes mobilisées notamment en période de crise ou qui ont « collectivement mené à bien un projet complexe ». Ces pistes de réforme crispent déjà les syndicats de la fonction publique, dont beaucoup se montrent défavorables à tout développement de la rémunération au mérite.

« L’urgence, ce sont les services publics et la reconnaissance de tous et toutes, pas le mérite », tonne ainsi Solidaires en pointant une système « injuste » et « clientéliste » : « Ce n’est pas d’intéressement et de mérite dont ont besoin les agents et les services publics. Les agents attendent tous et toutes une véritable reconnaissance de leur investissement et donc d’augmentations véritables de salaires ». L’occasion pour le syndicat, comme pour d’autres, de réclamer notamment une nouvelle hausse du point d’indice de la fonction publique après l’augmentation de 1,5% intervenue en juillet dernier mais toujours jugée insuffisante par les organisations syndicales.

Crainte d’une mise en concurrence 

Céline Verzeletti abonde : « Les récompenses au mérite ne correspondent pas aux principes de la fonction publique ». « Nous avons besoin d’égalité, développe la syndicaliste de la centrale de Montreuil. Or, les primes sont sources d’inégalités voire de discriminations, notamment entre les femmes et les hommes ». « Nous sommes toujours à vouloir mettre en œuvre de mauvais copiés-collés, ajoute Pascal Kessler de la FA-FP en référence aux dispositifs en place dans le secteur privé. L’attractivité de la fonction publique mérite mieux que cela ». Et donc à ses yeux que la rémunération au mérite.

Les syndicats redoutent surtout que ce développement de la rémunération au mérite entraîne une forme de concurrence entre les agents publics. « Nous nous faisons une autre idée des missions publiques qui doivent être rendues partout au meilleur niveau, affirme Benoit Teste de la FSU. Dans les faits, les logiques de mérite ne fonctionnent pas, ça ne motive pas davantage les agents, ça les met en concurrence et les conduit uniquement à faire les parties les plus visibles de leurs missions et à faire savoir qu’ils le font ». 

Le syndicaliste renchérit : « Le but du ministre n’est pas de mettre en place quelque chose qui fonctionne bien, il est dans la com’ et flatte l’air de rien le fonctionnaire bashing en sous-entendant qu’il y a des fonctionnaires non méritants qui se contenteraient du minimum. Ce n’est pas comme cela qu’on attirera dans les métiers de la fonction publique ». Autant de critiques que les syndicats promettent de faire remonter au ministre.

Discussions sensibles à venir 

Le ministre aura d’ailleurs rapidement l’occasion d’entendre les inquiétudes et revendications des représentants du personnel. Des bilatérales sont effectivement prévues mi-septembre entre Stanislas Guerini et les syndicats pour discuter de l’agenda social des prochains mois et donc notamment de la future nouvelle réforme de la fonction publique et de ce sujet sensible du mérite.

« Ce sujet va indubitablement faire l’objet de discussions très serrées », confirme Mylène Jacquot de la CFDT qui porte « toujours » sa revendication de rééquilibrer les rémunérations « en faveur de l’indiciaire ». « Des dispositifs d’individualisation existent déjà », abonde-t-elle. Référence notamment au fameux RIFSEEP, le régime indemnitaire des fonctionnaires tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel. Certes, précise Mylène Jacquot, la CFDT « porte la proposition de mieux reconnaître les collectifs de travail ». Mais, prévient-elle, « ce n’est pas l’individualisation à outrance et la mise en concurrence des agents qui va rendre la fonction publique plus attractive ». 

Si le gouvernement propose une négociation sur ce sujet de la rémunération au mérite, l’UNSA « y participera », indique son secrétaire général Luc Farré. « Chaque agent mène sa carrière en effectuant des choix et en acceptant certaines responsabilités ou en effectuant certaines missions. Ces engagements doivent pouvoir être reconnus, explique-t-il. Le mérite a d’ailleurs toujours fait partie du statut de la fonction publique et de la rémunération des agents par exemple avec les avancements à rythme différenciés ». Pour autant, ajoute Luc Farré, « un agent ne doit pas être laissé seul face à son responsable de service qui déciderait alors de l’évolution de sa rémunération ». 

par Bastien Scordia
4 septembre 2023
acteurspublics.fr

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