BAROMÈTRE RH : LA MAITRISE DE LA MASSE SALARIALE, L’OBSESSION DES COLLECTIVITÉS

Dans un contexte marqué par une réforme des retraites contestée, une hausse de l’inflation et une valorisation du point d’indice, le 14e baromètre RH des collectivités « La Gazette » – Randstad met en lumière les enjeux en matière de gestion salariale.

L’évolution du climat social reste en dents de scie. Cet indicateur récurrent du baromètre RH des collectivités de « La Gazette » avec Randstad est, cette année encore, très partagé. Si la moitié des cadres et des élus interrogés estiment que le climat social est stable par rapport à l’an passé, un peu plus d’un tiers (37 %) constate qu’il se dégrade. Les communes comptant de 5 000 à 50 000 habitants se déclarent les plus touchées, à 41 %, contre 31 % en 2022.

Rien d’étonnant, alors, à ce que le niveau de la charge mentale des agents (69 %) se soit accru, tout comme celles des cadres (87 %) et des équipes dirigeantes (87 %, dont 45 % de très élevée). L’actualité chahutée de cette année, marquée par des grèves soutenues pour contester la réforme des retraites [1], n’est peut-être pas étrangère à ce bilan.

Répercussions de l’inflation

La tenue des élections professionnelles en décembre a également pu avoir des conséquences, selon Patrick Coroyer, président de l’Association nationale des DRH des territoires (ANDRHDT). Il précise : « Il nous a fallu retravailler les protocoles de dialogue social, avec des charges syndicales qui changent dans un contexte de baisse des votants. »

Question impact, la réforme des retraites va peser très fortement sur les collectivités (voir le graphique n° 1), qui identifient à 93 % une incidence plus forte de la pénibilité au travail sur l’absentéisme et citent ensuite, à 79 %, l’obligation de renforcement des mesures d’accompagnement de seconde partie de carrière et l’augmentation de la masse salariale (55 %). Le renforcement des dispositifs de GPEEC (gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences) (52 %) et un effort sur la formation sont aussi au menu.

Le contexte d’inflation n’est pas non plus sans effet sur la conduite des projets RH, puisque près de la moitié des répondants estiment qu’elle a eu des répercussions sur la priorisation des projets et sur les procédures de recrutement et/ou de création de postes.

Comme le rappelle Vincent Lescaillez, président de l’association des DRH des grandes collectivités, « l’inflation a, de fait, boosté des projets autour du pouvoir d’achat des agents. Je connais peu de DRH qui n’ont pas mené de revalorisation du Rifseep ces derniers mois, en tout cas dans les grandes collectivités ».

Malgré ces mesures, 67 % des collectivités restent confrontées à des difficultés de recrutement, notamment les communes de 5 000 à 50 000 habitants, à la peine à 70 %, contre 59 % en 2022. En plus de la tension générale sur le marché de l’emploi, c’est le manque de candidatures aux postes proposés qui est mentionné à 84 % et le frein de la rémunération, cité à 81 %, contre 69 % l’an dernier.

Bien qu’elle ne compense pas l’inflation, la revalorisation du point d’indice, intervenue le 1er juillet pour tous les agents publics, est tout de même de nature à donner un coup de pouce aux collectivités. Même si elle ne comble qu’une petite partie du retard pris par la fonction publique.

La filière technique privilégiée

Parmi les actions engagées pour pallier les difficultés de recrutement figurent la prise de contact avec les candidats avant la fin de la publicité des annonces (62 %), la valorisation de la reconnaissance du parcours des candidats contractuels (61 %) et le recrutement portant davantage sur le savoir être (61 %). Quand elles prévoient d’embaucher, les collectivités privilégient la filière technique à 73 %, contre 66 % en 2022, puis le secteur administratif (66 %) et la police municipale (27 %).

Afin d’assurer l’employabilité durable, le bien-être au travail reste un leitmotiv, avec un effort sur la prévention des risques et l’adaptation des postes de travail, suivis par les plans de formation et la mise en place des temps partiels pour les agents.

Le tutorat et l’entretien de seconde partie de carrière semblent présenter moins d’intérêt, puisque la moitié des répondants n’envisagent pas de les mettre en place, alors que ce besoin est cité comme pertinent face à l’allongement de l’âge du départ à la retraite.

Autre thème d’actualité, l’expérimentation de la semaine de quatre jours ne paraît pas, pour l’instant, constituer un sujet pour les collectivités interrogées : 64 % d’entre elles ne projettent pas de la déployer.

Dans cette période de forte inflation et de difficulté à recruter, rien d’étonnant à ce que la maîtrise de la masse salariale arrive en tête des préoccupations. Deux tiers des collectivités la citent comme un enjeu principal. Suivent la prise en compte de la santé et de la qualité de vie au travail des agents, en progression de neuf points par rapport à 2022, devant le recrutement.

La gestion des effectifs demeure une priorité, dont les leviers sont la révision du temps de travail (36 %) et la maîtrise de l’absentéisme, en hausse de dix points par rapport à 2022. Entre maîtrise des effectifs et besoin de recrutement, les arbitrages seront sans doute délicats. Ainsi, 52 % des répondants prévoient des effectifs en stagnation pour l’année et 30 % envisagent une légère augmentation. C’est le cas, notamment, des communes de moins de 5 000 habitants, à 62 %.

En outre, que ce soit pour améliorer l’attractivité ou fidéliser les nouveaux agents, la rémunération arrive en tête de liste, tout comme elle prend la première place des attentes vis-à-vis du gouvernement.

L’assouplissement du statut souhaité

Sont également mis en avant la reconnaissance des agents publics et l’assouplissement du statut. Celui-ci reste une demande forte des cadres territoriaux, comme l’atteste Patrick Coroyer. « La simplification des concours et la facilitation de la titularisation avec davantage d’examens professionnels et une reconnaissance des compétences en termes de métier est effectivement souhaitable. Cela nous permettrait de simplifier la titularisation d’agents performants », indique-t-il.

Même son de cloche pour Vincent Lescaillez, selon qui le concours sur titre serait une « facilitation » évidente. Toutefois, les collectivités n’ont pas le souhait de bouleverser le cadre statutaire, mais plutôt celui de voir certains paramètres progresser sur le plan social.

Julie Krassovsky |
Publié le 14/09/2023
lagazettedescommunes.com