BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL : UNE ÉCLAIRCIE EN TROMPE-L’ŒIL

Moins sombre qu’en 2022, la photographie du bien-être des fonctionnaires territoriaux exprime une satisfaction modérée de ceux-ci sur leur qualité de vie au travail. Cette quatorzième édition du baromètre «La Gazette»-MNT pointe notamment des attentes fortes en matière de rémunération et de reconnaissance.

Faut-il y voir une éclaircie dans le moral des agents ou une amélioration en trompe-l’œil ? L’édition 2023 du baromètre « La Gazette » – MNT du bien-être au travail marque, en tout cas, une pause dans la lente dégradation dont faisaient part les agents depuis cinq ans. Sans être tout à fait au vert, le niveau de bien-être progresse :

38 % des agents constatent une amélioration (+8 points en un an) même s’ils sont encore 45 % à regretter sa dégradation (-10 points par rapport à 2022).

Evolution similaire sur les indicateurs de fatigue, dont les scores restent élevés mais enregistrent une légère baisse, avec une note de 3,6 sur 5 en matière de fatigue nerveuse et 2,7 sur 5 pour la fatigue physique.

Relations d’équipe

« Ce constat d’un meilleur moral des troupes m’interpelle. Il est vrai que celui-ci était descendu très bas entre 2020 et 2022 à cause de la crise sanitaire. J’en constate cependant encore des effets dans les collectivités, avec des agents âgés ou ayant des problèmes de santé qui s’étaient mis en maladie et qui ne sont jamais revenus au travail. Mais la santé mentale progresse », observe Aude Fournier, directrice générale adjointe « transformation » de Marseille (12 000 agents), chargée du management et de la qualité de vie au travail au sein de l’Association des DRH des grandes collectivités.

D’ailleurs, la satisfaction à travailler dans la FPT régresse par rapport aux années pré-Covid et de crise sanitaire, avec 76 % de satisfaits contre 81 % en 2019 et 2020. Et 67 % des agents interrogés (un chiffre stable depuis 2019) sont heureux de travailler dans leur collectivité ou leur établissement (71 % chez les cadres « A »). Parmi les motifs de satisfaction (lire le graphique n° 1), la sécurité de l’emploi (sur laquelle sont sondés les agents pour la première fois) emporte 83 % des suffrages. « Ce n’est cependant pas un motif suffisant pour les agents qui postulent chez nous, notamment les plus jeunes, qui ne se projettent pas forcément dans une carrière de fonctionnaire, mais viennent à la découverte du travail en collectivité », nuance Aude Fournier.

Besoin de perspectives

A noter que, si 82 % des répondants se réjouissent des rapports qu’ils entretiennent avec les membres de leur équipe, ils ne sont plus que 62 % quand ils se réfèrent aux relations avec leur hiérarchie et 51 % en matière d’épanouissement au travail. « La faible satisfaction vis-à-vis de leur collectivité et l’appauvrissement du lien relationnel avec la hiérarchie expliquent sans doute que les agents compensent en s’accrochant aux relations d’équipe et à la satisfaction à exercer leur mission », estime Prisca Lépine, consultante en santé des organisations.

En revanche, la rémunération apparaît en queue de peloton avec seulement 27 % de personnes satisfaites.

« Entre le tassement des grilles induit par la hausse de la valeur du Smic et l’évolution du point d’indice, les progressions salariales sont limitées. Il faudrait donner davantage de lisibilité au système de rémunération car les agents veulent des perspectives », convient Nicolas Lonvin, directeur général des services du centre de gestion du Finistère (426 collectivités affiliées, soit 13 000 agents suivis). L’attente est d’autant plus forte que les agents placent, cette année encore, la rémunération en tête des motifs d’épanouissement professionnel, surtout chez les agents des catégories B et C.

Autres facteurs d’épanouissement professionnel : l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, suivi de la reconnaissance. C’est d’ailleurs plutôt auprès de leurs pairs ou de leurs collègues (75 % de satisfaction, et même 82 % chez les cadres « A ») que les agents territoriaux puisent cette appréciation. Les sondés sont 66 % à plébisciter les marques de gratitude des usagers (+4 points en un an), mais 54 % disent en recevoir de la part de leur hiérarchie (en hausse de 7 points par rapport à l’année dernière) et 47 % éprouvent une reconnaissance sociale liée à leur métier (+3 points). Par ailleurs, les agents sont de plus en plus nombreux à ressentir la pression des usagers (66 %, +4 points par rapport à 2022) et de leur hiérarchie (54 %, +7 points).

Projet politique peu clair

Malgré tout, la fierté à exercer leur métier, bien qu’en baisse de 3 points par rapport à l’année dernière, reste à un haut niveau pour 82 % des répondants. Chez les sondés, l’emportent à 79 % le sentiment de rendre un service de qualité aux usagers, à 65 % (+4 points) celui de veiller à la bonne gestion de l’argent public, à 62%

(-3 points) la satisfaction à exercer la solidarité au quotidien) mais à 54 % seulement celle de mettre en œuvre le projet politique porté par les élus (lire le graphique n° 2). Autant d’actions qui donnent du sens à leurs missions.

Interrogés sur les leviers qui les aident dans leurs tâches quotidiennes, les agents plébiscitent le soutien de leurs collègues (79 %), la confiance de leur hiérarchie (71 %) et, dans une moindre mesure, les pratiques managériales efficaces (44 %). « Les modes de management ont profondément évolué en vingt ans, avec une accélération, depuis le Covid, qui a renforcé les relations de confiance. Ce n’est pas idyllique, ni ne concerne encore toutes les collectivités, mais cela résulte en une évolution à laquelle poussent les jeunes collaborateurs », note Nicolas Lonvin. Il est, en revanche, un élément sur lequel les agents ne misent pas : la clarté du projet politique des élus. Pour 60 % d’entre eux, il ne leur est d’aucune aide.

Fort stress

Sur le volet de la santé, le niveau de fatigue physique et nerveuse, un peu moins élevé cette année, s’accompagne cependant d’un sentiment de stress toujours fort, partagé par 76 % des sondés. Le chiffre est en baisse de 5 points depuis 2022, peut-être en lien avec le recul de l’épidémie de Covid. En revanche, les agents se disent toujours aussi démunis (à 44 %) pour y faire face. « Cela pose la question de savoir si c’est l’organisation qui est génératrice de stress supplémentaire ou si c’est la capacité de résilience de l’individu qui diminue. Ce point est à mettre en parallèle avec le sommeil, dont plus de la moitié des agents et près de 60 % des cadres disent qu’il est impacté de façon négative par leur travail », observe Prisca Lépine. D’ailleurs, parmi les agents soumis à un stress professionnel, 60 % ressentent une pression excessive de la part de leur hiérarchie et 46 % (-3 points) de la part des élus.

Quant à elle, l’intensité physique du travail semble connaître une décrue (lire le graphique n° 3).

La part des agents qui déclarent une charge physique de travail intense ou très intense a reculé de 24 % en 2022 à 10 % cette année. Chez les agents de la catégorie C, dont les métiers sont très souvent usants, l’évolution est encore plus marquée avec une baisse de 19 points, tandis que 58 % estiment l’intensité physique de leur travail légère, contre 41 % un an plus tôt. « Faut-il y voir la fin ou une pause dans les risques Covid, la stabilisation du télétravail pour les postes administratifs de la catégorie C, un développement post-crise sanitaire d’outils de qualité de vie au travail ou le fait que les projets des collectivités repartent peut-être plus doucement au regard du contexte d’inflation ? » s’interroge Nicolas Lonvin.

Manque de prévention

Toujours est-il que le manque de prévention reste prégnant (lire le graphique n° 4), même si des progrès sont à noter. A 47 %, les collectivités (en recul de 7 points par rapport au baromètre 2022) ne proposent aucun dispositif de prévention, une part qui s’élève même à 77 % dans les communes de moins de 5 000 habitants.
Quant aux actions de prévention mises en place, elles ciblent plus particulièrement les troubles musculosquelettiques et les risques psychosociaux.

Face à ces constats, les agents engagent prioritairement leur collectivité (lire le graphique n° 5) à garantir le pouvoir d’achat (44 %, en hausse de 4 points) et à maintenir la qualité des services publics locaux (15 %). Si la promotion de la qualité de vie et des conditions de travail figure au deuxième rang de leurs attentes, elle recule de 7 points par rapport au baromètre 2022.

Gaëlle Ginibrière
lagazettedescommunes.com
Publié le 06/11/2023