CHRISTIAN GROLIER (FO) : « LA MOBILITÉ CHOISIE DOIT DEVENIR UNE RÉALITÉ POUR LES FONCTIONNAIRES »

Acteurs publics a interrogé les responsables syndicaux du secteur public sur leurs attentes, mais aussi sur leurs inquiétudes quant à la nouvelle grande réforme de la fonction publique annoncée par l’exécutif. Échange aujourd’hui avec Christian Grolier, secrétaire général de la Fédération générale des fonctionnaires de Force ouvrière (FO).

 

Quelles sont vos attentes s’agissant du futur projet de loi de réforme de la fonction publique ? 

Tout d’abord, nous attendons le renforcement et l’amélioration du statut général des fonctionnaires. En effet après un premier quinquennat d’Emmanuel Macron où le ministre de la Fonction publique de l’époque, Olivier Dussopt, a tout fait pour affaiblir le statut en contournant le recrutement des fonctionnaires par davantage de contractuels avec la loi de transformation de la fonction publique [du 6 août 2019, ndlr], il est temps d’inverser la tendance. Notre attente est également l’amélioration du pouvoir d’achat par la revalorisation du point d’indice et la refonte de la grille indiciaire. Enfin, il est temps que la mobilité choisie, élément fort du statut qui permet de diversifier la carrière, soit une réalité.

Comment, selon vous, rendre la fonction publique plus attractive ? Quelles sont les urgences ?

La priorité de l’attractivité, c’est le pouvoir d’achat et une carrière diversifiée. Démarrer au Smic en catégorie C et B, ou à peine 10 % au-dessus du Smic en catégorie A, c’est inacceptable et peu motivant. Le problème n’est pas le soi-disant carcan du statut, vieille antienne des gouvernements et ministres précédents, mais bien le pouvoir d’achat et les conditions de travail.

Stanislas Guerini, qui paraît ouvert au dialogue, semble hésiter entre concertation et négociation. (…) FO ne peut que l’encourager à se lancer dans la négociation.

Dans sa nouvelle réforme, le gouvernement compte notamment “valoriser l’engagement des agents publics” en développant la rémunération dite au mérite dans la fonction publique. La rémunération au mérite peut-elle redonner du sens à la mission des agents ? Cette logique devrait-elle, selon vous, être individuelle ou collective ?

La rémunération au mérite n’a aucun sens dans la fonction publique. Les fonctionnaires ont un statut particulier ou un cadre d‘emploi qui définit leurs missions. Missions d’intérêt général qui n’entraînent aucun profit. L’État n’a pas à faire de bénéfices donc n’a rien à redistribuer. La définition du statut général, c’est la garantie de la carrière et non de l’emploi, comme le pensent certains. La garantie de la carrière car un fonctionnaire ne peut pas travailler dans le privé en plus des missions de service public. L’État employeur lui doit donc de pouvoir vivre dignement de sa mission avec une vraie carrière et une bonne grille indiciaire.

En 2019, tous les syndicats avaient pointé un manque de dialogue sur la loi de transformation. À quelles conditions jugeriez-vous cette fois la méthode satisfaisante ?

La ministre Amélie de Montchalin [qui a détenu le portefeuille de la Transformation et de la Fonction publiques du 6 juillet 2020 au 20 mai 2022, ndlr] avait lancé l’ordonnance “négociation collective dans la fonction publique”. FO avait voté contre cette ordonnance persuadée, par expérience, que la négociation était illusoire tant les choix des ministres dépendent du Parlement notamment à travers la loi de finances. Pourtant, Amélie de Montchalin a véritablement négocié, tant sur la protection sociale complémentaire santé que sur le télétravail, avec des accords majoritaires et même unanimes. Ce nouvel élan qui renforce le dialogue social ne peut pas être remis en cause, il n’y a pas de retour en arrière possible. Et pourtant, Stanislas Guerini, qui paraît ouvert au dialogue, semble hésiter entre concertation et négociation. Quels que soient les conseils qu’il entend, FO ne peut que l’encourager à se lancer dans la négociation. Car, quelle qu’en soit l’issue, cela démontrera un courage politique et une réelle volonté d’entendre les revendications des agents portées par leurs syndicats représentatifs.

Propos recueillis par Bastien Scordia (avant l’annonce de la démission du gouvernement d’Élisabeth Borne)