PFAS OU POLLUANTS ÉTERNELS ET SANTÉ AU TRAVAIL : EXPLICATIONS DE L’INRS

Les Pfas sont des substances chimiques per- et polyfluoroalkylées. Dénommées « polluants éternels » du fait de leur persistance dans l’environnement, elles sont utilisées dans de nombreux secteurs d’activités en raison de leurs propriétés (antiadhésifs, ignifuges, antitaches, imperméabilisants, résistants aux fortes chaleurs…). Mais quels sont les risques encourus pour les travailleurs exposés ? Et quels sont les moyens de protection à mettre en œuvre ? Explications de Myriam Ricaud, experte d’assistance-conseil à l’INRS.

Les Pfas, substances chimiques per- et polyfluoroalkylées, ont été découvertes dans les années 1930 aux États-Unis, au sein de l’entreprise DuPont. Elles représentent aujourd’hui une famille d’environ 10 000 substances. Ces substances ont pour particularité de se dégrader très peu. C’est pourquoi elles sont désignées également sous le terme de « polluants éternels  ». Mais quels risques sont encourus lors de la production ou de l’utilisation de ces Pfas ? Quels sont les moyens de protection à mettre en œuvre pour protéger les salariés ? Les explications de Myriam Ricaud, experte d’assistance-conseil à l’INRS, pour un podcast du magazine Travail & Sécurité.

Qu’est-ce que les Pfas, et quelles sont leurs propriétés ?

Les Pfas sont des composés chimiques organiques fluorés de synthèse. Ces substances ont pour caractéristique de présenter une liaison chimique carbone-fluor particulièrement stable, ce qui fait qu’elles se dégradent très peu après utilisation ou rejet, et sont particulièrement persistantes… D’où le nom qu’on leur donne de polluants éternels. Elles possèdent de nombreuses propriétés : antiadhésifs, ignifuges, antitaches, imperméabilisants, résistants aux fortes chaleurs… On en trouve dans des applications multiples et variées : les mousses pour éteindre les incendies, les vêtements de type Goretex, certaines poêles, les cosmétiques, les produits de nettoyage, les lubrifiants…

Et comme ces composés sont persistants, ils peuvent rester dans l’environnement des décennies voire des siècles. C’est donc un problème de santé publique du fait d’expositions liées à la contamination de tous les milieux (eau, air, sol…), mais également un problème que l’on retrouve en milieu professionnel. Et les secteurs d’activité concernés sont nombreux : la chimie et la plasturgie bien sûr, mais aussi le nettoyage, l’énergie, la santé, la pharmacie, la gestion des déchets, le traitement des sites et sols pollués…

Situations d’expositions professionnelles aux PFAS

Quels sont les effets des Pfas sur la santé  ?

Les Pfas peuvent avoir des effets néfastes sur le système reproducteur et le système hormonal, mais aussi sur le système immunitaire (elles diminuent la réponse immunitaire de certains vaccins). On a pu aussi voir des baisses de la fertilité, des faibles poids et tailles de naissance, de l’obésité, des retards de puberté… Des lésions hépatiques ont également été rapportées.

Certaines Pfas sont d’ores et déjà classées cancérogènes de catégorie 2, et reprotoxiques de catégorie 1B. Les cancers visés étant ceux des testicules et du rein. Certaines Pfas sont également des perturbateurs endocriniens.

Comment les salariés sont-ils exposés aux Pfas ?

Dans le milieu professionnel, deux Pfas ont été particulièrement produites et utilisées, l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) et l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS).

En santé publique, l’exposition a plutôt lieu par ingestion, voire contact cutané. L’exposition des salariés a lieu essentiellement par inhalation de poussières ou de gaz et, pour une moindre part, par voie cutanée.

De plus, en entreprise, les salariés sont exposés aux Pfas mais aussi à d’autres produits chimiques, avec des synergies possibles, et les conséquences que peut engendrer la polyexposition.

L’utilisation des Pfas est-elle réglementée  ?

Des réglementations ont été mises en place à la fin des années 1990. Elles se poursuivent et visent soit à restreindre ou interdire l’utilisation de certaines Pfas, soit à en assurer une surveillance.

Dans le cadre du règlement Reach, plusieurs Pfas sont considérées comme des substances extrêmement préoccupantes, et dans le cadre du règlement POP (polluants organiques persistants) d’autres font l’objet d’interdiction de production et d’utilisation.

Des réglementations orientées environnement ont également des conséquences sur la santé au travail. Par exemple, depuis juin 2023, les entreprises ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) doivent mesurer les Pfas présentes dans leurs rejets aqueux, donc identifier les Pfas qu’elles produisent, utilisent, émettent et rejettent.

Combien de salariés sont exposés aux Pfas dans les entreprises  ?

On a peu de données sur le sujet, car peu de méthodes permettent d’estimer les expositions des salariés dans l’entreprise. L’INRS poursuit des travaux sur le sujet pour identifier les Pfas mises en œuvre, les secteurs industriels concernés et développer des méthodes pour caractériser l’exposition des salariés.

Comment se protéger des Pfas  ?

La première étape est de repérer toute la chaîne des Pfas  : qui en produit, qui en utilise et qui en rejette… Ensuite, il faut engager un processus de substitution, au cas par cas, car il n’y a pas de solution générique. Et lorsque cela s’avère impossible, il faut diminuer l’exposition des salariés au niveau le plus bas possible, mettre en œuvre des solutions de protection collective (ventilation, filtration…) complétées si besoin par des équipements de protection individuelle (EPI de type protection respiratoire).

Il est également important d’informer et de former les salariés, notamment ceux en âge de procréer, et d’assurer un suivi médical des populations potentiellement exposées.

Pourquoi se préoccupe-t-on des Pfas aujourd’hui  ?

C’est un sujet qui est arrivé par la santé publique il y a quinze ans environ et qui vient progressivement sur le champ de la santé au travail. C’est une pollution diffuse qui touche l’ensemble de l’environnement, mais qui provient bien d’usines. Il y a encore cinq sites de production en France et, jusqu’à présent, nous n’avions pas les méthodes de mesure pour estimer l’exposition des salariés…

Ce sujet prend de l’importance, les pouvoirs publics s’en saisissent  : il y a un plan Pfas 2023-2027 piloté par le ministère de la Transition écologique qui vise à acquérir des connaissances sur les Pfas, à accélérer la substitution et à limiter l’exposition.

5 AVRIL 2024
inrs.fr