BAISSE DES DÉPENSES : LES ASSOCIATIONS D’ÉLUS DISENT « NON » AU GOUVERNEMENT

L’État a confirmé, le 9 avril, sa volonté de mettre à contribution les collectivités pour réduire le déficit en leur imposant de limiter leurs dépenses de fonctionnement. Les associations d’élus rejettent cette perspective et demandent à l’exécutif une remise à plat de leurs relations financières préservant leurs moyens et leur autonomie.

Lors du Haut conseil des finances publiques locales qui s’est tenu hier, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a confirmé aux représentants de l’AMF, de Départements de France, de Régions de France et du Comité des finances locales (CFL) la volonté du gouvernement de limiter les dépenses de fonctionnement des collectivités à – 0,5 % par rapport à l’inflation en 2024. Cet objectif figure dans la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 et le gouvernement l’intègrera dans le programme de stabilité (PSTAB) 2024-2027 qu’il présentera la semaine prochaine. En tablant sur une inflation à 2,4 % en 2024, l’État demande aux collectivités une moindre évolution de leurs dépenses dont la progression ne devrait pas excéder 1,9 % (-0,5 %/inflation), soit une réduction évaluée par l’exécutif à 2,5 milliards d’euros.

Cette proposition n’est pas surprenante tant le ministre avait été clair sur ses intentions, début mars, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, en rappelant que les dépenses publiques se répartissent en trois grandes parts : « 50 % de dépense sociale, 30 % de dépenses de l’État, 20 % de dépenses des collectivités locales » . Et en indiquant dans la foulée que « tout le monde doit participer au rétablissement des finances publiques »  – sous-entendu, les collectivités aussi – dans un contexte où, après les 10 milliards d’euros supprimés par décret, en février, le gouvernement envisage une nouvelle ponction de 20 milliards d’euros en 2025 sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale.

« Dialogue de sourds » 

Le ministère de l’Économie n’a pas dévoilé comment il compte faire respecter l’objectif assigné aux collectivités. Il pourrait s’appuyer sur les recommandations de la Cour des comptes à laquelle il a commandé, début mars, un rapport spécifique sur les dépenses des collectivités, qu’elle lui remettra en juin. Le gouvernement a d’ores et déjà prévu une nouvelle réunion du Haut conseil dans quelques semaines.

« Le ministre peut décider ce qu’il veut, je lui ai dit que je refusais cette injonction faite aux collectivités de restreindre leurs dépenses » , a indiqué André Laignel, président du CFL, au sortir de la réunion du Haut conseil. Le maire d’Issoudun (36) a confirmé que le gouvernement n’avait, à ce stade, fixé « ni calendrier, ni méthode, ni précisé s’il contraindrait ou pas les collectivités »  à réduire leurs dépenses. « Nous sommes censés nous revoir dans deux mois mais si c’est de nouveau pour nous dire de dépenser moins, ce n’est pas la peine car il s’agit d’un dialogue de sourds ! J’ai rappelé au ministre de l’Économie que le bloc local a déjà largement participé à la réduction du déficit de l’État avec, depuis 2010, une ponction de 71 milliards d’euros de sa part sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) ».    

L’AMF et le CFL pour une revue des dépenses et… des recettes

André Laignel rappelle que « l’endettement de la France n’est pas imputable aux collectivités locales »  et souligne qu’une baisse des dépenses des collectivités aurait un impact sur leur rôle d’amortisseur social, en matière d’investissement et d’offre de services publics. Les élus pointent aussi la hausse des dépenses que l’État impose aux collectivités, qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement liées aux revalorisations salariales des agents et des dépenses d’investissements (transition écologique notamment) qui génèrent mécaniquement des dépenses de fonctionnement.

L’AMF, comme le CFL, conteste une revue des dépenses des collectivités qui aurait pour seul objectif leur réduction et dénonce « l’inefficacité des contraintes sur les budgets locaux pour réduire le déficit » , dans un communiqué diffusé le 9 avril. Pour objectiver les échanges avec l’État, elle lui propose de procéder à plusieurs revues de dépenses imposées aux collectivités, au premier rang desquelles une « revue des dépenses sur le coût des normes pesant sur les budgets locaux »  et « une revue des dépenses des collectivités sur des politiques publiques prioritaires, telles que la transition écologique ou le logement ». 

Comme le président du CFL, l’AMF demande aussi à l’État de procéder à une revue des recettes des collectivités qui lui permettrait de retracer l’évolution de ses concours financiers (DGF, notamment), les compensations versées aux collectivités à la suite de la suppression d’impôts locaux, celles liées aux dégrèvements qu’il impose et le niveau d’engagement réel des dotations d’investissement (DSIL, DETR…). L’occasion de souligner le manque à gagner des collectivités dans ces différents secteurs et le fait que la suppression des ressources locales par l’exécutif aggrave le déficit du budget de l’État contraint… de les compenser. « Les finances des collectivités ont déjà été ponctionnées par l’État, via des baisses de dotations ou une compensation partielle de ressources locales supprimées. Cette contribution ne s’est pas traduite par une réduction du déficit ou des prélèvements obligatoires dont s’acquittent les contribuables. En revanche, la compensation des ressources locales supprimées par l’exécutif pèse lourdement sur le budget de l’État, à hauteur de 52 milliards d’euros par an », souligne-t-elle.

Préserver l’autonomie financière et fiscale des collectivités

L’AMF estime que ces deux revues (dépenses imposées aux collectivités et évolutions de leurs recettes) permettraient de remettre à plat les relations financières entre l’État et les collectivités, de redéfinir les ressources propres de ces dernières et d’imaginer la mise en place d’une fiscalité dont les communes et les EPCI auraient la pleine maîtrise. Le président de l’association, David Lisnard, « appelle l’exécutif à changer d’approche pour redresser les finances publiques et à privilégier la responsabilité, donc la liberté locale. Ce changement doit passer par l’autonomie financière et fiscale des collectivités ». 

De son côté, Départements de France rejette aussi l’objectif de réduction des dépenses des collectivités et exhorte le gouvernement à « tenir compte de la spécificité des départements niveau de collectivité le plus exposé à la conjoncture et qui joue le rôle d’amortisseur social en finançant à plus de 60 % de leurs budgets des dépenses d’intervention sociale » . Comme l’AMF, l’association demande notamment « une pause normative de trois ans et un allégement des normes existantes ». 

Régions de France rappelle pour sa part « le bilan de bonne gestion publique qui caractérise les comptes publics des collectivités locales : équilibre des comptes locaux, stabilité de la dette locale et régionale entre 8 % et 9 % du PIB national depuis les années 1980. Cette bonne gestion a été maintenue alors même qu’elles ont subi les effets du coût de nouvelles normes et de décisions de création de charges supplémentaires par les gouvernements successifs » . L’association souligne le « rôle puissant [des régions] en accompagnement des politiques nationales d’investissement, d’aménagement durable et de soutien à l’économie et à l’emploi ». Elle estime donc que « la préservation de leur capacité financière à investir constitue un fort enjeu pour l’économie locale autant que pour le succès des politiques nationales et européennes ». 

Le gouvernement aura donc fort à faire pour convaincre les collectivités de diminuer leurs dépenses. Il devrait néanmoins proposer aux associations d’élus un calendrier de travail sur lequel ils échangeront à l’occasion de la prochaine réunion du Haut conseil des finances publiques locales, prévue dans quelques semaines.