« INÉGALITAIRE », « MÉCONNU » … DES PISTES POUR REDORER LE BLASON DU CONCOURS

Si la nécessité de revoir les modalités des concours de la fonction publique pour relancer l’attractivité du secteur fait relativement consensus, les choses ne bougent pas ou peu. Afin de mettre un coup de pied dans la fourmilière autour d’une question qui paraît urgente, la plate-forme Profil Public a mené l’enquête auprès des agents et formulé 20 propositions.

Le sujet des concours de la fonction publique fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs années mais sans véritablement donner lieu à une révolution. Souvent jugés inadaptés aux réalités et aspirations des jeunes candidats, il s’agit d’un sujet brûlant dont l’exécutif s’est emparé. En septembre dernier, la Première ministre, Élisabeth Borne a notamment annoncé dans une circulaire le lancement d’un chantier interministériel de rénovation des concours d’accès à la fonction publique d’État.

Car il y a urgence. « En l’espace de 20 ans, le nombre de candidats aux concours de la fonction publique a été divisé par trois, expose Sigrid Berger, fondatrice de la plate-forme Profil public. Aucun versant n’est épargné, à l’exception de certains concours A + de la haute fonction publique qui affichent un regain d’attractivité. »

C’est dans ce contexte que la plate-forme a réalisé une enquête qui sera publiée le 7 mai prochain et a donné lieu à un manifeste rassemblant 20 propositions « pour repenser les concours de la fonction publique ». Car au fond, ce désamour pour les concours ne témoignerait-il d’un désamour pour la fonction publique ? « À mon sens, non, répond Sigrid Berger. Mais son système de concours n’a plus vraiment le vent en poupe. Initialement pensé pour favoriser l’égal accès aux emplois publics, force est de constater que les concours n’ont pas pleinement atteint cet objectif. » Sur les 300 agents publics ayant répondu à l’enquête (fonctionnaires et contractuels), plus de la moitié ont passé des concours, 13,5 % sont en pleine préparation, 19 % ne souhaitent pas passer de concours, quand 12 % hésitent encore.

Mais, 63 % d’entre eux estiment que les concours de la fonction publique constituent un frein à l’accès aux emplois publics. Parmi les principales difficultés rencontrées, on note l’accès inégal aux classes préparatoires, un investissement difficile pour les candidats en poste, des oraux perçus comme étant des épreuves discriminantes, des expériences et acquis professionnels peu valorisés, une incertitude quant au poste et au lieu d’exercice visés et enfin peu d’épreuves en région et pas assez de sessions.

« Briser le plafond de verre »

Les résultats de cette enquête et les différents entretiens menés par Profil public ont donc donné lieu à la formulation de propositions dont certaines ont déjà leur place dans les débats depuis plusieurs années sans jamais être mises en œuvre. La première priorité, qui n’est pas une nouveauté, est de rendre l’information plus accessible. 54 % des répondants à l’enquête déclarent manquer d’informations sur les concours. 15 % disent n’avoir jamais entendu parler des 3e concours. Profil Public propose donc de centraliser les informations sur les concours sur un canal unique par exemple via Choisir le service public ou le Portail de la fonction publique, de simplifier et d’harmoniser le nombre de concours, de favoriser les retours d’expérience en live ou encore de faire la pédagogie des concours dès l’onboarding.

Le deuxième enjeu est celui de « briser le plafond de verre ». 70 % des agents interrogés pensent que le concours n’est plus le garant d’égalité des chances et 16 % n’ont jamais entendu parler des Prépa talents. Un dispositif qu’il semble urgent de promouvoir davantage, tout en institutionnalisant un dispositif de coaching pour, par exemple, mettre en place des oraux blancs. L’objectif reste aussi de constituer des jurys plus représentatifs de la société et permettre aux candidats de mieux valoriser leurs parcours et expériences hors secteur public.

Proposer des formats moins académiques

Le troisième enjeu qui permettrait de repenser les concours de la fonction publique est celui de moderniser la « promesse candidats » en premier lieu en valorisant le projet professionnel plutôt que le statut. Le manifeste propose également de généraliser les dispositifs de mentorat ou encore de supprimer les logiques d’affectation, par exemple en supprimant les classements de sortie avec affectation des candidats sur des postes. Si ce n’est plus le cas pour l’INSP, le concours des IRA fonctionne encore avec cette logique. Il est aussi proposé de faciliter la mobilité et  de la valoriser. « Pour les candidats, l’emploi à vie est de moins en moins un critère de choix alors que la situation géographique l’est, précise Sigrid Berger. En termes d’attractivité, c’est un élément à prendre en compte. » Un quatrième enjeu se situe au niveau de la conciliation entre la préparation des concours et la vie personnelle. Parmi les répondants qui se sont intéressés aux concours, 31 % poursuivent une autre voie, 34 % se sont découragés et 31 % hésitent encore. L’idée serait donc de condenser le calendrier des concours, d’intégrer une option prépa aux concours du service public dans les cursus des universités pour éviter une année supplémentaire pour les étudiants, de lancer une prépa finançable via le Compte personnel de formation (CPF) mais aussi de réviser le rythme de formation post-concours.

Dernière priorité, et là encore l’idée a déjà émergé, celle de proposer des formats moins académiques. Parmi les répondants à l’enquête, 26 % des agents sont favorables à l’utilisation des neuro-sciences pour évaluer les soft skills et 74 % pensent que les concours évaluent trop peu les compétences de terrain. Parmi les propositions avancées sur cette question, on peut citer la nécessité de pouvoir adapter les épreuves, d’en « gamifier » certaines et notamment les oraux, pour donner la possibilité aux candidats de révéler leur personnalité et leur potentiel.